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Roger Martin du Gard. Le Cahier gris

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Разработка посвящена творчеству Роже Мартен дю Гара, включает фрагмент из "Серой тетради".

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«Roger Martin du Gard. Le Cahier gris»

Roger Martin du Gard. Le Cahier gris 



I. Lisez le texte et répondez aux questions :

1. Qui est Roger Martin du Gard ?

2. Comment était son enfance et ses résultats d’études?

3. Quelle était sa première révélation de la poésie ?

4. Qu’est-ce qui l’a dégagé de la fiévreuse obsession lyrique ?

5. Comment a-t-il passé les années 1898 - 1906 ?

6. Quel était son premier roman ?

7. De quoi est son roman  Jean Barois ?

8. Qu’est-ce qu’il a écrit pour le théâtre ?

9. Comment présente-t-il sa position envers la guerre ?

10. Quel ouvrage l’a occupé pendant les années 1920 à 1940 ? Quel est son sujet ?

11. Quand a-t-il reçu le prix Nobel de littérature ?

12. A quel roman a-t-il travaillé de 1941 à sa mort ?

Roger Martin du Gard 

Roger Martin du Gard est un écrivain français né le 23 mars 1881 à Neuilly-sur-Seine, au 69 boulevard Bineau, et mort le 22 août 1958 au château du Tertre, à Sérigny (Orne). Il est lauréat du prix Nobel de littérature de 1937.

Roger Martin du Gard est issu d'une famille bourgeoise de gens de robe. Son père, Paul Martin du Gard, est avoué de première instance au Tribunal de la Seine et sa mère, née Madeleine Wimy, est la fille d'un agent de change de la Bourse de Paris. En 1892, il entre en qualité de demi-pensionnaire à l'École Fénelon, où l'enseignement de Marcel Hébert le marque profondément. Ses résultats sont insuffisants ; il préfère la lecture des "feuilletons bon marché" aux leçons dispensées. Son père décide alors de le mettre un semestre en pension, de janvier à juin 1896, à Passy, chez un jeune normalien, Louis Mellerio. Il rattrape son retard en latin, grec, et grammaire, apprend l'art de la composition, avant d'être fin prêt à affronter son année de rhétorique à la rentrée d'octobre. Il entre alors comme externe au lycée Janson-de-Sailly.

Il découvre sa vocation d'écrivain en se liant à un jeune garçon de deux ans son aîné, Jean Werhlé, pendant l'été qu'il passe à Maisons-Laffitte en 1891. Les tragédies en vers qu'écrit déjà son ami lui font connaître, à dix ans, son premier choc esthétique : "Aussitôt au lit, j'ai tiré le cahier de sous mon traversin, et me suis mis à lire. J'avais les yeux brouillés de larmes. Première révélation de la poésie...". À compter de ce jour, le jeune Roger ne laissera pas de noircir des cahiers de "poèmes sentimentaux", toujours accompagné d'un "petit dictionnaire de rimes". Il ne se dégagera de cette fiévreuse obsession lyrique qu'à l'âge de dix-sept ans lorsqu'il lira, suivant les conseils de l'abbé Hébert, Guerre et Paix de Tolstoï.

Après son bachot de philosophie, obtenu en 1898, il décide, le temps de confirmer sa volonté d'écrire et d'obtenir l'assentiment d'une famille réticente, de s'inscrire à la Sorbonne, pour passer une licence ès lettres. Il ne se présente pas aux examens la première année, et échoue lorsqu'il les passe l'année suivante, en juillet 1900. Il décide alors, quelques jours plus tard, de pallier son sentiment d'échec en préparant le concours d'entrée à l'École des Chartes. Il est reçu le 28 octobre. Malgré un redoublement, et l'interruption d'une année, en 1902-1903, pour son service militaire à Rouen, il obtient son diplôme d'archiviste-paléographe en décembre 1905, après avoir soutenu une thèse sur les ruines de l'abbaye de Jumièges. Au sortir de l'École, en février 1906, il épouse Hélène Foucault, fille d'un avocat du barreau de Paris. À vingt-cinq ans, il est désormais prêt à affirmer son désir d'être écrivain.

Il s'attelle à la préparation d'un roman, dès le début de son voyage de noces en Afrique du nord, début 1906 : Une Vie de saint.

La publication de son roman  Jean Barois en 1913 lui permettra de se lier d'amitié avec André Gide et Jacques Copeau. Dans son étonnant « roman dossier »  Jean Barois, R. Martin du Gard ne cherche pas à démontrer. Il n'émet aucun jugement, il ne condamne pas, il n’absout pas : il décrit avec une volonté d'objectivité l'évolution de la religion contemporaine avec le modernisme qui semble en saper les fondements ou la séparation des Églises et de l'État en 1905. Avec ses documents authentiques ou fictifs qui s'y trouvent insérés, la seconde partie constitue aussi la première représentation littéraire de l'Affaire Dreyfus et du procès Zola qui lui est lié. De la même façon qu'elle est aussi une des premières représentations littéraires de la crise moderniste. 

Pour le théâtre, il écrit, Le Testament du père Leleu, farce paysanne (1913), qui semble avoir inspiré G. Puccini pour la composition de son opéra Gianni Schicchi. La mise en scène de cette farce par Jacques Copeau qui venait alors d'ouvrir le théâtre du Vieux-Colombier marque le début d'une amitié très forte, grâce à laquelle Martin du Gard envisage la réalisation de pièces satiriques dans le cadre d'une Comédie nouvelle dont il développe une première vision. Ces perspectives ne connaissent pas un aboutissement, cependant, en raison des refus successifs qu'oppose J. Copeau aux propositions, celui-ci revient alors vers le roman.

Mobilisé en 1914, il est affecté comme fourrier à un groupe automobile de « Transport Matériel » attaché au premier corps de cavalerie. Témoin des atrocités du front, il ne veut pas écrire sur ce sujet mais exprime son pacifisme idéaliste dans ses lettres et son journal écrits à cette époque.

Après la Première Guerre mondiale, Roger Martin du Gard conçoit le projet d'un long roman-fleuve (ou roman de longue haleine) dont le sujet initial s'intitule « deux frères ». De fait, le roman en huit volumes ensuite intitulé Les Thibault va l'occuper des années 1920 à 1940, date de publication du dernier volume, Épilogue. De nombreux souvenirs d'enfance vont marquer cette saga notamment quand, entre 1890 et 1895 il habita Maisons-Laffitte dans une maison de l'avenue Albine au no 26 qui porte actuellement une plaque gravée de marbre blanc sur un des deux piliers du portail. À travers l'histoire de Jacques et Antoine Thibault qui sont liés à la famille de Fontanin, le romancier fait le portrait d'une classe sociale, la bourgeoisie parisienne, catholique ou protestante, universitaire, mais aussi en révolte dans le cas de Jacques Thibault, apprenti écrivain qui découvre le socialisme. Conçus comme une conclusion à une œuvre dont la réalisation menaçait de durer trop longtemps, les deux derniers volumes sont consacrés à la disparition des deux héros et mettent l'accent sur la Première Guerre mondiale. L'Été 1914 décrit la marche à la guerre que ne peuvent empêcher ni les socialistes, ni les autres groupes pacifistes : révolutionnaire de cœur, Jacques Thibault ne saura que se sacrifier en lançant sur les tranchées un appel à la fraternisation des soldats allemands et français. Racontant la lente agonie d'Antoine Thibault gazé pendant le conflit, Épilogue évoque la « marche à la paix » et s'interroge sur les propositions du président Wilson qui aboutiront à la création de la Société des Nations.

En 1930 paraît Confidence africaine, une histoire d'inceste entre un frère et une soeur. Ce livre joue un rôle dans le roman épistolaire de Katherine Pancol, Un homme à distance (Albin Michel, 2002).

C'est en 1937, juste après la publication de L'Été 1914, que R. Martin du Gard se voit attribuer le prix Nobel de littérature. Après un long séjour en Italie, il passe la majeure partie de la guerre 1939-1945 à Nice, avant d'aller se réfugier à Piérac, dans l'Aude. De 1941 à sa mort, il travaille à un roman resté inachevé, "Les souvenirs du lieutenant-colonel de Maumort", dont une édition procurée par André Daspre sera publiée en 1983 sous le titre Le lieutenant-colonel de Maumort.

Publiées peu après la mort d'André Gide, les Notes sur André Gide évoquent une des amitiés les plus importantes et enrichissantes qu'ait connues cet admirateur de Tolstoï, de Flaubert et de Montaigne.



II. Après la lecture des textes, répondez aux questions :


1. Où et quand se déroule l’action de ce roman ?

2. Quel est le sujet du roman ?

3. Quels sont les problèmes essentiels qui y sont soulevés ?

4. Qui sont les personnages du roman ?


L'œuvre intitulée Les Thibault est une vaste suite romanesque de Roger Martin du Gard (1881-1958), composée de huit tomes d'inégale longueur dont la publication s'est étalée de 1922 à 1940. C’est tout particulièrement pour cette œuvre, alors que l'Épilogue restait encore à écrire, que Roger Martin du Gard reçut, dès 1937, le prix Nobel de littérature.

Le cycle se compose des romans suivants :

  • Le Cahier gris (1922)

  • Le Pénitencier (1922)

  • La Belle Saison (1923)

  • La Consultation (1928)

  • La Sorellina (1928)

  • La Mort du Père (1929)

  • L'Été 1914 (1936)

  • Épilogue (1940)

À travers les destinées de deux familles bourgeoises, les Thibault et les Fontanin, est évoquée la France de la Belle Époque qui va sombrer dans le premier conflit mondial. L'ensemble du cycle est surtout centré sur les deux fils du riche notable catholique Oscar Thibault, deux frères que tout oppose : Antoine, l'aîné, médecin sûr de lui, esprit rationnel et plutôt conformiste, et son cadet de neuf ans, Jacques, idéaliste et tourmenté, en révolte contre les valeurs de la société bourgeoise puis militant socialiste. Mais l'amitié de Jacques pour Daniel de Fontanin introduit en contrepoint la famille de celui-ci, de confession protestante. Les deux premiers volumes voient Jacques et Daniel passer de l'adolescence à l'âge d'homme, tandis que les quatre suivants s'élargissent aux vicissitudes et hypocrisies de la vie bourgeoise, à l'ébranlement religieux et moral de ce début de vingtième siècle : « le roman familial se transforme en fresque sociale1». Le long tome de L'Été 1914 ainsi que l'Épilogue sont consacrés à la Grande Guerre, à son déclenchement comme à ses conséquences tragiques : « on passe de la fresque sociale à la fresque historique».

Héritier de la tradition naturaliste, Roger Martin du Gard brosse un tableau sans complaisance de la société tout en mettant au premier plan des personnages partageant un même atavisme. Si l'organisation d'ensemble de ce roman-fleuve suit chronologiquement la vie et l'évolution intellectuelle et affective des protagonistes, entourés d'une galerie de personnages secondaires variés voire pittoresques, ses différentes parties permettent à l'auteur d'aborder de manière plus ou moins autonome des questions morales, religieuses ou éthiques, sociales, politiques et idéologiques. Grâce aux destins croisés des Thibault et des Fontanin, Roger Martin du Gard combine « roman de sentiments » et « roman d'idées».

Le Cahier gris

Le roman s'ouvre sur une fugue de Jacques Thibault et de son ami Daniel de Fontanin, mettant en contact les deux familles : la générosité de Mme de Fontanin, respectueuse ses actes et des pensées de son fils, contraste avec la sévérité inquisitoriale et implacable d'Oscar Thibault. Sur fond d'antagonisme religieux entre catholiques et protestants —  à la veille de la Séparation de l'Église et de l'État —, les rapports entre parents et enfants, les questions d'éducation, et surtout les tourments de l'adolescence font l'objet de ce premier volume.

Résumés

1. Paris, 1904. Antoine Thibault accompagne son père à l'institution catholique où Jacques, disparu depuis le matin, est demi-pensionnaire tout en suivant sa Troisième au lycée. Or on avait confisqué à l'adolescent (il a quatorze ans) un carnet dans lequel il correspondait avec son camarade de classe Daniel en termes si exaltés que les abbés soupçonnent entre eux une relation coupable. Horrifié, Oscar Thibault s'en prend évidemment à l'hérésie protestante, et reçoit très froidement Mme de Fontanin, venue lui proposer d'unir leurs recherches. Un courant de sympathie passe en revanche entre Thérèse de Fontanin et Antoine qui, en quête d'indices, vient l'interroger ainsi que sa fille Jenny, enfant très farouche. Alors que Thérèse, pour tenter de joindre Jérôme, son époux volage absent du domicile conjugal, est réduite à remonter la filière de ses dernières maîtresses (dont sa propre cousine Noémie), Jenny, bouleversée par la fugue de son grand frère, tombe gravement malade : elle devra — apparemment — son salut aux oraisons illuminées du pasteur Grégory, un ami de sa mère.

Pendant ce temps, l'équipée des deux garçons les a menés jusqu'à Marseille, d'où ils comptaient embarquer pour l'Afrique. Ayant échappé de justesse à une arrestation, Jacques passe une nuit sur le port avec des clochards, tandis que Daniel découvre l'amour entre les bras d'une fille de petite vertu. S'étant retrouvés le lendemain ils font route vers Toulon, et Jacques confie à son ami — qui a déjà envie de rentrer — ses aspirations à la liberté et son rejet de la vie de famille, entre un père bon mais dur et rigide (sa mère est morte à sa naissance), un frère plus âgé pris par ses études, « Mademoiselle » (Mlle de Waize), leur vieille gouvernante, et Gise (Gisèle), sa nièce orpheline élevée sous leur toit.

Identifiés dans une auberge, les fugueurs sont ramenés à Paris par Antoine, Mme de Fontanin pardonne tout à son fils - mais pas à son mari, qui se déclare prêt à reprendre la vie commune. Jacques, près de s'ouvrir à Antoine, se rétracte en apprenant qu'il a lu le cahier gris, et refuse de demander pardon à leur père. Enfermé alors dans l'attente d'une terrible sanction, il jette par la fenêtre un mot d'adieu (timbré) à son ami Daniel.

    
2.   Le premier épisode de cette série: «Le cahier gris», nous introduit au sein de cette famille de la grande bourgeoisie parisienne, famille sévèrement régentée par le pater familias, Oscar Thibault qui, veuf, dirige seul et d'une main de fer sa maisonnée. Le vieil homme a fort à faire car le plus jeune de ses deux fils, Jacques, vient de fuguer en compagnie de son ami Daniel de Fontanin. La cause de cette fuite a été motivée par la découverte à l'école d'un cahier gris que s'échangeaient les deux élèves, cahier dans lequel s'étale une correspondance compromettante, faite d'échanges passionnés entre les deux jeunes garçons. 
       Oscar Thibault est dans tous ses états. Non seulement ces écrits témoignent d'une relation qui, plus qu'amicale, incite à penser à une relation homosexuelle, mais de plus font état des liens qui unissent Jacques au fils des Fontanin, des protestants!

   Car Monsieur Thibault est un homme d'un catholicisme zélé et rigoureux, intolérant envers ceux qui se sont écartés de la vraie foi. Comment éviter le scandale pour cet homme richissime qui préside à de nombreuses ligues de vertu et est le fondateur d'une institution destinée à redresser les jeunes délinquants? 
  La fugue de Jacques et de Daniel trouvera son terme à Marseille et c'est accompagné de son grand frère Antoine, que le puîné des Thibault réintégrera le foyer familial.

   Mais devant sa révolte et son comportement emporté, Monsieur Thibault, bien qu'aimant profondément son fils, n'aura d'autre solution que de le faire intégrer la Fondation qu'il a créée à Crouy, fondation qui n'est en fait qu'un pénitencier pour jeunes garçons récalcitrants.

    Jacques, sous la pression de son frère Antoine qui mettra toutes ses forces pour convaincre son père de le faire libérer, en ressortira au bout d'un an. Pour tous, il semblera assagi, résigné à devenir comme son frère le digne héritier des valeurs bourgeoises incarnées par son père. Mais sous le masque, Jacques reste un rebelle à l'ordre établi et ne veut pas devenir un notable comme son père et comme Antoine qui termine ses études de médecine. Jacques rêve de grands espaces, d'amour, de sentiments entiers, de liberté et de littérature. Pour son ami Daniel de Fontanin, il n'éprouve plus qu'un vague intérêt, portant plutôt son attention sur la jeune soeur de celui-ci: Jenny. 

    Mais ses sentiments amoureux semblant n'être pas partagés par la jeune fille, Jacques va de nouveau fuir. Quelques années ont passé et il n'est plus l'enfant qui avait fugué jusqu'à Marseille. Sa famille va perdre toute trace de lui. On le croira en Angleterre alors qu'il s'est bâti une nouvelle vie en Suisse où il s'essaie à l'écriture avant d'adhérer à l'Internationale Socialiste, engagement dans lequel il mettra toute son énergie. 
   C'est ainsi que le lecteur va suivre, au cours des années les destins entrecroisés des Thibault et des Fontanin, dans cette France du début du XXe siècle jusqu'à leur conclusion tragique lors de la première guerre mondiale.


  III. Lisez le fragment du roman et répondez aux questions :



1. Où et quand se déroule l’action de cet extrait ?

2. Quels sont les problèmes qui y sont soulevés ?

3. Quand et en quel état les Thibault sont-ils venus à l’Ecole ?

4. Quelles prétentions avaient-ils?

5. Qu’est-ce qui a été nommé par l’abbé « Pure invention » ?

6. Quelles étaient les émotions du père ?

7. Quelles fautes particulièrement graves lui ont été présentées?

8. Comment a été caractérisé Daniel de Fontanin ? Et ses parents ? Jacques ?

9. Comment était la scène de l’éducation de Jacques ? Comment jouaient leurs rôles les éducateurs ?

10. Donnez les caractéristiques physiques et psycologiques des personnages de ces chapitres.

11. Quels détails ou faits ont une grande valeur dans la narration ?



LE CAHIER GRIS (1922)

I

Au coin de la rue de Vaugirard, comme ils longeaient déjà les bâtiments de l’École, M. Thibault, qui pendant le trajet n’avait pas adressé la parole à son fils, s’arrêta brusquement :

– « Ah, cette fois, Antoine, non, cette fois, ça dépasse ! » Le jeune homme ne répondit pas.

L’École était fermée. C’était dimanche, et il était neuf heures du soir. Un portier entrouvrit le guichet.

– « Savez-vous où est mon frère ? » cria Antoine. L’autre écarquilla les yeux.

M. Thibault frappa du pied.

– « Allez chercher l’abbé Binot. »

Le portier précéda les deux hommes jusqu’au parloir, tira de sa poche un rat-de-cave, et alluma le lustre.

Quelques minutes passèrent. M. Thibault, essoufflé, s’était laissé choir sur une chaise ; il murmura de nouveau, les dents serrées :

– « Cette fois, tu sais, non, cette fois ! »

– « Excusez-nous, Monsieur », dit l’abbé Binot qui venait d’entrer sans bruit. Il était fort petit et dut se dresser pour poser la main sur l’épaule d’Antoine. « Bonjour, jeune docteur ! Qu’y a-t-il donc ? »

– « Où est mon frère ? »

– « Jacques ? »

– « Il n’est pas rentré de la journée! » s’écria M. Thibault, qui s’était levé.

– « Mais, où était-il allé ? » fit l’abbé, sans trop de surprise.

– « Ici, parbleu ! À la consigne ! »

L’abbé glissa ses mains sous sa ceinture :

– « Jacques n’était pas consigné. »

– « Quoi ? »

– « Jacques n’a pas paru à l’École aujourd’hui. »

L’affaire se corsait. Antoine ne quittait pas du regard la figure du prêtre. M. Thibault secoua les épaules, et tourna vers l’abbé son visage bouffi, dont les lourdes paupières ne se soulevaient presque jamais :

– « Jacques nous a dit hier qu’il avait quatre heures de consigne. Il est parti, ce matin, à l’heure habituelle, Et puis, vers onze heures, pendant que nous étions tous à la messe, il est revenu, paraît-il : il n’a trouvé que la cuisinière ; il a dit qu’il ne reviendrait pas déjeuner parce qu’il avait huit heures de consigne au lieu de quatre. »

– « Pure invention », appuya l’abbé.

– « J’ai dû sortir à la fin de l’après-midi », continua M. Thibault, « pour porter ma chronique à la Revue des Deux Mondes. Le directeur recevait, je ne suis rentré que pour le dîner. Jacques n’avait pas reparu. Huit heures et demie, personne. J’ai pris peur, j’ai envoyé chercher Antoine qui était de garde à son hôpital. Et nous voilà. »

L’abbé pinçait les lèvres d’un air songeur. M. Thibault entrouvrit les cils, et décocha vers l’abbé puis vers son fils un regard aigu.

– « Alors, Antoine ? »

– « Eh bien, père », fit le jeune homme, « si c’est une escapade préméditée, cela écarte l’hypothèse d’accident. »

Son attitude invitait au calme. M. Thibault prit une chaise et s’assit ; son esprit agile suivait diverses pistes ; mais le visage, paralysé par la graisse, n’exprimait rien.

– « Alors », répéta-t-il, « que faire ? »

Antoine réfléchit.

– « Ce soir, rien. Attendre. »

C’était évident. Mais l’impossibilité d’en finir tout de suite par un acte d’autorité, et la pensée du Congrès des Sciences Morales qui s’ouvrait à Bruxelles le surlendemain, et où il était invité à présider la section française, firent monter une bouffée de rage au front de M. Thibault. Il se leva.

– « Je le ferai chercher partout par les gendarmes ! » s’écria-t-il. « Est-ce qu’il y a encore une police en France ? Est-ce qu’on ne retrouve pas les malfaiteurs ? »

Sa jaquette pendait de chaque côté de son ventre ; les plis de son menton se pinçaient à tout instant entre les pointes de son col, et il donnait des coups de mâchoire en avant, comme un cheval qui tire sur sa bride. « Ah, vaurien », songea-t-il, « si seulement une bonne fois il se faisait broyer par un train! » Et, le temps d’un éclair, tout lui parut aplani : son discours au Congrès, la vice-présidence peut-être… Mais, presque en même temps, il aperçut le petit sur une civière ; puis, dans une chapelle ardente, son attitude à lui, malheureux père, et la compassion de tous… Il eut honte.

– « Passer la nuit dans cette inquiétude ! » reprit-il à haute voix. « C’est dur, Monsieur l’abbé, c’est dur, pour un père, de traverser des heures comme celles-ci. »

Il se dirigeait vers la porte. L’abbé tira les mains de dessous sa ceinture.

– « Permettez », fit-il, en baissant les yeux.

Le lustre éclairait son front à demi mangé par une frange noire, et son visage chafouin, qui s’amincissait en triangle jusqu’au menton. Deux taches roses parurent sur ses joues.

– « Nous hésitions à vous mettre, dès ce soir, au courant d’une histoire de votre garçon – toute récente d’ailleurs – et bien regrettable… Mais, après tout, nous estimons qu’il peut y avoir là quelques indices… Et si vous avez un instant, Monsieur… »

L’accent picard alourdissait ses hésitations. M. Thibault, sans répondre, revint vers sa chaise et s’assit lourdement, les yeux clos.

– « Nous avons eu, Monsieur », poursuivit l’abbé, « à relever ces jours derniers contre votre garçon des fautes d’un caractère particulier… des fautes particulièrement graves… Nous l’avions même menacé de renvoi. Oh, pour l’effrayer, bien entendu. Il ne vous a parlé de rien ? »

– « Est-ce que vous ne savez pas combien il est hypocrite ? Il était silencieux comme d’habitude ! »

– « Le cher garçon, malgré de sérieux défauts, n’est pas foncièrement mauvais », rectifia l’abbé. « Et nous estimons qu’en cette dernière occasion, c’est surtout par faiblesse, par entraînement, qu’il a péché : l’influence d’un camarade dangereux, comme il y en a tant, hélas, dans les lycées de l’État… »

M. Thibault coula vers le prêtreun coup d’œil inquiet.

– « Voici les faits, Monsieur, dans l’ordre : c’est jeudi dernier… » Il se recueillit une seconde, et reprit sur un ton presque joyeux : « Non, pardon, c’est avant-hier, vendredi, oui, vendredi matin pendant la grande étude. Un peu avant midi, nous sommes entré dans la salle, rapidement comme nous faisons toujours… » Il cligna de l’œil du côté d’Antoine : « Nous tournons le bouton sans que la porte bouge, et nous ouvrons d’un seul coup.

« Donc, en entrant, nos yeux tombent sur l’ami Jacquot, que nous avons précisément placé bien en face de notre porte. Nous allons à lui, nous déplaçons son dictionnaire. Pincé ! Nous saisissons le volume suspect : un roman traduit de l’italien, d’un auteur dont nous avons oublié le nom : les Vierges aux Rochers. »

– « C’est du propre! » cria M. Thibault.

– « L’air gêné du garçon semblait cacher autre chose : nous avons l’habitude. L’heure du repas approchait. À l’appel de la cloche, nous prions le maître d’étude de conduire les élèves au réfectoire, et, resté seul, nous levons le pupitre de Jacques : deux autres volumes : les Confessions de J.-J. Rousseau ; et, ce qui est plus déshonnête encore, excusez-nous, Monsieur, un ignoble roman de Zola :la Faute de l’abbé Mouret. »

– « Ah, le vaurien ! »

– « Nous allions refermer le pupitre, quand l’idée nous vient de passer la main par derrière la rangée des livres de classe ; et nous ramenons un cahier de toile grise, qui, au premier abord, nous devons le dire, n’avait aucun caractère clandestin. Nous l’ouvrons, nous parcourons les premières pages… » L’abbé regarda les deux hommes de ses yeux vifs et sans douceur : « Nous étions édifié. Aussitôt nous avons mis notre butin en sûreté et, pendant la récréation de midi, nous avons pu l’inventorier à loisir. Les livres, soigneusement reliés, portaient au dos, en bas, une initiale : F. Quant au cahier gris, la pièce capitale – la pièce à conviction – c’était une sorte de carnet de correspondance ; deux écritures très différentes : celle de Jacques, avec sa signature : J. ; et une autre, que nous ne connaissions pas, dont la signature était un D majuscule. » Il fit une pause et baissa la voix : « Le ton, la teneur des lettres, ne laissaient, hélas ! aucun doute sur la nature de cette amitié. À ce point, Monsieur, que nous avons pris un instant cette écriture ferme et allongée pour celle d’une jeune fille ou, pour mieux dire, d’une femme… Enfin, en analysant les textes, nous avons compris que cette graphie inconnue était celle d’un condisciple de Jacques, non pas d’un élève de notre maison, grâce à Dieu, mais d’un gamin que Jacques rencontrait sans doute au lycée. Afin d’en avoir confirmation, nous nous sommes rendu le même jour auprès du censeur – ce brave M. Quillard », dit-il en se tournant vers Antoine ; « c’est un homme inflexible et qui a la triste expérience des internats. L’identification a été immédiate. Le garçon incriminé, qui signait D., est un élève de troisième, un camarade de Jacques, et se nomme Fontanin, Daniel de Fontanin. »

– « Fontanin ! Parfaitement ! » s’écria Antoine. « Tu sais, père, ces gens qui habitent Maisons-Laffitte, l’été près de la forêt ? En effet, en effet, plusieurs fois cet hiver en rentrant le soir, j’ai surpris Jacques lisant des livres de vers que lui avait prêtés ce Fontanin. »

– « Comment ? Des livres prêtés ? Est-ce que tu n’aurais pas dû m’avertir ? »

– « Ça ne me semblait pas bien dangereux », répliqua Antoine, en regardant l’abbé comme pour lui tenir tête ; et, tout à coup, un sourire très jeune, qui ne fit que passer, éclaira son visage méditatif. « Du Victor Hugo », expliqua-t-il, « du Lamartine. Je lui confisquais sa lampe pour le forcer à s’endormir. »

L’abbé tenait sa bouche coulissée. Il prit sa revanche :

– « Mais voilà qui est plus grave : ce Fontanin est protestant. »

– « Eh, je sais bien ! » cria M. Thibault, accablé.

– « Un assez bon élève, d’ailleurs », reprit aussitôt le prêtre, afin de marquer son équité. « M. Quillard nous a dit : “C’est un grand, qui paraissait sérieux ; il trompait bien son monde ! La mère aussi avait l’air d’être bien.” »

– « Oh, la mère… », interrompit M. Thibault. « Des gens impossibles, malgré leurs airs dignes ! »

– « On sait de reste », insinua l’abbé, « ce que cache la rigidité des protestants ! »

– « Le père, en tout cas, est un sauteur… À Maisons, personne ne les reçoit ; c’est tout juste si on les salue. Ah, ton frère peut se vanter de bien choisir ses relations ! »

– « Quoi qu’il en soit », reprit l’abbé, « nous sommes revenu du lycée parfaitement édifié. Et nous nous apprêtions à ouvrir une instruction en règle, quand, hier samedi, au début de l’étude du matin, l’ami Jacquot a fait irruption dans notre cabinet. Irruption,littéralement. Il était tout pâle ; il avait les dents serrées. Il nous a crié, dès la porte, sans même nous dire bonjour : “On m’a volé des livres, des papiers !…” Nous lui avons fait remarquer que son entrée était fort inconvenante. Mais il n’écoutait rien. Ses yeux, si clairs d’habitude étaient devenus foncés de colère : “C’est vous qui m’avez volé mon cahier, criait-il, c’est vous !” Il nous a même dit, ajouta l’abbé avec un sourire niais : “Si vous avez osé le lire, je me tuerai !” Nous avons essayé de le prendre par la douceur. Il ne nous a pas laissé parler : “Où est mon cahier ? Rendez-le-moi ! Je casserai tout jusqu’à ce qu’on me le rende !” Et avant que nous ayons pu l’en empêcher, il saisissait sur notre bureau un presse-papiers de cristal – vous le connaissez, Antoine ? c’est un souvenir que d’anciens élèves nous avaient rapporté du Puy-de-Dôme – et il le lançait à toute volée contre le marbre de la cheminée. C’est peu de chose », se hâta d’ajouter l’abbé, pour répondre au geste confus de M. Thibault ; « nous vous donnons ce détail terre à terre, pour vous montrer jusqu’à quel degré d’exaltation votre cher garçon était parvenu. Là-dessus il se roule sur le parquet, en proie à une véritable crise nerveuse. Nous avons pu nous emparer de lui, le pousser dans une petite cellule de récitation, contiguë à notre cabinet, et l’enfermer à double tour. »

– « Ah », dit M. Thibault en levant les poings, « il y a des jours où il est comme possédé ! Demandez à Antoine : est-ce que nous ne lui avons pas vu, pour une simple contrariété, de tels accès de fureur, qu’il fallait bien céder ; il devenait bleu, les veines du cou se gonflaient, il aurait étranglé de rage ! »

– « Ça, tous les Thibault sont violents », constata Antoine ; et il paraissait en avoir si peu de regret, que l’abbé crut devoir sourire avec complaisance.

– « Lorsque nous avons été le délivrer, une heure plus tard », reprit-il, « il était assis devant la table, la tête entre les mains. Il nous a jeté un regard terrible ; ses yeux étaient secs. Nous l’avons sommé de nous faire des excuses ; il ne nous a pas répondu. Il nous a suivi docilement dans notre cabinet, les cheveux emmêlés, les yeux à terre, l’air têtu. Nous lui avons fait ramasser les débris du malheureux presse-papiers, mais sans obtenir qu’il desserrât les dents. Alors, nous l’avons conduit à la chapelle, et nous avons cru séant de le laisser là, seul avec le bon Dieu, pendant une grande heure. Puis nous sommes venu nous agenouiller à son côté. Il nous a semblé, à ce moment-là, que peut-être il avait pleuré ; mais la chapelle était obscure, nous n’oserions l’affirmer. Nous avons récité à mi-voix une dizaine de chapelet ; puis nous l’avons sermonné ; nous lui avons représenté le chagrin de son père, lorsqu’il apprendrait qu’un mauvais camarade avait compromis la pureté de son cher garçon. Il avait croisé les bras et tenait la tête levée, les yeux fixés vers l’autel, comme s’il ne nous entendait pas. Voyant que cette obstination se prolongeait, nous lui avons enjoint de retourner à l’étude. Il y est resté jusqu’au soir, à sa place, les bras toujours croisés, sans ouvrir un livre. Nous n’avons pas voulu nous en apercevoir. À sept heures, il est parti comme de coutume, – sans venir nous saluer, cependant.

« Voilà toute l’histoire, Monsieur », conclut le prêtre avec un regard fort animé. « Nous attendions, pour vous mettre au courant, d’être renseigné sur la sanction prise par le censeur du lycée contre le triste sire qui s’appelle Fontanin : renvoi pur et simple, sans doute. Mais, en vous voyant inquiet ce soir… »

– « Monsieur l’abbé », interrompit M. Thibault, essoufflé comme s’il venait de courir, « je suis atterré, ai-je besoin de vous le dire ! Quand je songe à ce que de pareils instincts peuvent nous réserver encore… Je suis atterré », répéta-t-il, d’une voix songeuse, presque basse ; et il demeura immobile, la tête en avant, les mains sur les cuisses. N’eût été le tremblement à peine visible, qui, sous la moustache grise, agitait sa lèvre inférieure et sa barbiche blanche, ses paupières baissées lui eussent donné l’air de dormir.

– « Le vaurien ! » cria-t-il soudain, en lançant sa mâchoire en avant ; et le regard incisif qui, à ce moment-là, jaillit entre les cils, marquait assez que l’on se fût mépris en se fiant trop longtemps à son apparente inertie. Il referma les yeux et tourna le corps vers Antoine. Le jeune homme ne répondit pas tout de suite ; il tenait sa barbe dans sa main, fronçait les sourcils et regardait à terre





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