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Pierre Benoit. L'Atlantide

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Разработка посвящена Пьеру Бенуа, известному автору приключенческих романов. Его «Атлантида», имела значительный успех в первой половине XX века.

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«Pierre Benoit. L'Atlantide»

Pierre Benoit. L'Atlantide


I. Lisez le texte et répondez aux questions :


1. Qui est Pierre Benoit? Où est-il né ?

2. Quels étaient ses regards politiques et esthétiques ?

3. Quels ouvrages a-t-il écrits? Comment sont-ils ?

4. Qu’est-ce qui le hantait et était l'une des sources de son inspiration romanesque ?

5. Qu’est-ce qui l’inspirait encore?

6. Comment étaient sa formation et le mode de vie ?

7. Quelle attitude avait-il envers la guerre ?



Pierre Benoit

Pierre Benoit, né le 16 juillet 1886 à Albi (Tarn) et mort le 3 mars 1962 à Ciboure (Pyrénées-Atlantiques), est un écrivain français, membre de l'Académie française, dont les romans d'aventures, au premier rang desquels L'Atlantide, ont connu un succès considérable dans la première moitié du XXe siècle.

Homme de droite, nationaliste et réactionnaire, Pierre Benoit reflète un aspect du monde intellectuel de l'entre-deux-guerres, qu'il a marqué par son œuvre romanesque. Mêlant l'aventure et un certain érotisme, il a créé un type nouveau d'héroïne troublante, qu'il qualifiait lui-même de « bacchante » ou d'« amazone », qui hypnotise les personnages masculins et les pousse au crime ou à leur perte comme Antinéa dans L'Atlantide.

Les romans du grand voyageur qu'était Pierre Benoit ont souvent pour cadre des pays étrangers, voire exotiques pour les lecteurs de son époque : L'Atlantide (1919), l'Algérie ; le Lac salé (1921), les États-Unis ; la Chaussée des géants (1922), l'Irlande ; La Châtelaine du Liban (1924), la Syrie...

Fils d'un officier de carrière, Pierre Benoit est né à Albi, où son père est alors en garnison. Bien qu'il n'y ait vécu que la première année de son existence, Benoit estimait avoir conservé un lien privilégié avec cette ville, et surtout avec sa cathédrale, en laquelle il voyait l'une des sources de son inspiration romanesque. C'est ainsi qu'il expliquera dans un texte de 1956 qu'« une parabole n'aura jamais cessé de hanter [son] imagination : celle des vierges folles et des vierges sages » :

« Elles étaient là, peintes au faîte de ma cathédrale, ce matin de juillet 1886 où l'on déposait le sel du sacrement de rédemption sur les lèvres de l'enfant dont les yeux n'étaient même pas encore ouverts à la lumière. S'il ne pouvait, lui, les contempler, elles l'avaient, elles, déjà entrevu. Elles savaient que le temps n'était plus loin où il ne vivrait plus que pour elles. Pour le meilleur et pour le pire, elles seraient, les unes et les autres, ses inséparables compagnes, les animatrices, faibles ou fortes, des intrigues qu'elles seraient par lui chargées de dénouer, à bon ou à moins bon escient. »

Il accompagne ensuite son père, affecté à partir de 1887 en Afrique du Nord (en Tunisie puis en Algérie.) En 1907, après avoir accompli son service militaire (en Algérie toujours), il se rend à Montpellier, où il prépare une double licence de lettres et de droit, puis à Sceaux, où il devient maître d'internat.

Licencié ès lettres, il échoue de peu à l’agrégation en 1910 mais est reçu au concours du ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts : il est nommé agent dans le sous-secrétariat aux Beaux-Arts, puis bibliothécaire au ministère de l’Instruction publique. Il publie à la même époque ses premiers poèmes, pour lesquels il obtient un prix de la Société des gens de lettres. Il sera en revanche moins heureux avec la publication du recueil Diadumène (1914) : en dix ans, il ne s'en écoulera que cinq exemplaires, vendus à un acheteur unique, le mécène André Germain, directeur de la revue poétique Le Double Bouquet.

Mobilisé au début de la Première Guerre mondiale, Benoit tombe gravement malade après la bataille de Charleroi : il passe plusieurs mois à l'hôpital, puis est démobilisé. Cette expérience du front aura toutefois été suffisamment traumatisante pour transformer en pacifiste convaincu le jeune homme qui, dans une lettre qu'il envoyait à sa mère en 1914, lui confiait son enthousiasme à l'idée de participer à une « guerre sainte. »

À ce moment, Pierre Benoit n'est plus seulement le poète néo-romantique qu'il était avant la guerre : il a fait une entrée remarquée dans le monde des romanciers en vogue, avec Kœnigsmark (1918), dont le succès public est considérable, et qui manque de peu l'obtention du Prix Goncourt (il était soutenu par André Suarès et Léon Daudet). L'Atlantide, publié l'année suivante sur les conseils de Robert de la Vaissière, lecteur chez Albin Michel, est un succès de librairie plus fulgurant encore. L'écrivain catholique Louis Chaigne analysera en 1936 les raisons de l'engouement du public pour ce roman colonial par la conjoncture historique dans laquelle il a paru : « L'Atlantide est le livre que beaucoup attendaient pour sortir du cauchemar des terribles années vécues dans la boue et sous les obus et pour s'appuyer avec douceur sur des jours plus sereins. »

Soutenu activement par Maurice Barrès, le livre de Pierre Benoit reçoit le Grand prix du roman de l'Académie française pour 1919.

De 1920 à sa mort, et au rythme d'environ un par an, Pierre Benoit publie une quarantaine de romans aux éditions Albin Michel, s'imposant comme le maître du roman d'aventures, bien qu'il ne dédaigne pas d'aborder d'autres domaines romanesques, comme avec Mademoiselle de La Ferté, « la plus littéraire et la plus profonde de ses œuvres », et considérée pour cette raison comme son chef-d'œuvre.

II. Lisez le résumé et répondez aux questions :


1. Où et quand se déroule l’action de ce roman ?

2. Quel est le sujet du roman ?

3. Quels sont les problèmes essentiels qui y sont soulevés ?

4. Nommez les personnages du roman.


Résumé

Au cours d'une exploration dans le Sahara, deux officiers français, André de Saint-Avit et Jean-Marie-François Morhange sont capturés et se retrouvent dans un palais merveilleux, un véritable paradis terrestre. Ils apprennent alors qu'ils sont prisonniers d'une femme, la reine, la sultane, la souveraine absolue du Hoggar, Antinéa, petite-fille de Neptune, la dernière descendante des Atlantes, et que, dès qu'ils l'auront vue, ils renieront tout pour elle, famille, patrie, honneur... Roman plein de péripéties, à l'atmosphère mystérieuse et envoûtante, dans un décor de complet dépaysement, L'Atlantide, Grand prix du Roman de l'Académie française, consacra de façon éclatante le talent de Pierre Benoit qui venait d'obtenir un énorme succès avec son premier ouvrage, Koenigsmark. 


Un camp militaire français aux portes du Sahara. Le Capitaine André de Saint-Avit prépare une nouvelle expédition pour aller explorer les montagnes du Hoggar. Tout le monde l’évite car pèse sur lui le plus terrible des soupçons : a-t-il tué son collègue et ami, le capitaine Morhange, lors de la première expédition dans le désert, six ans plus tôt ? Saint-Avit était revenu seul de la mission Morhange/Saint-Avit qui avait pour but avoué d’effectuer un relevé topographique et géologique plus précis des montagnes mais aussi de s’assurer que la route commerciale n’était pas menacée. 
Le lieutenant Ferrières, un ancien camarade de promotion, va recueillir les confidences du Capitaine, écouter le récit merveilleux qui plante le paradis perdu de l’Atlantide au cœur du désert, oasis fantastique sur laquelle règne une femme aussi belle qu’impitoyable. 
Six ans plus tôt, l’expédition Morhange/Saint-Avit s’enfonce dans le Hoggar. Les deux hommes deviennent amis. Au cours d’une pluie torrentielle, ils sauvent de la noyade un targui un peu mystérieux qui leur parle d’un paradis oublié, l’Atlantide, et de mystérieuses inscriptions rupestres faisant référence à Antinéa, descendante du Roi Neptune. Intrigués, Morhange et Saint-Avit se rendent dans la grotte mais tombent dans un piège : ils sont drogués et enlevés. Leur réveil se fait dans un palais exotique surplombant une vallée abondante de végétation et de cascades. Peu à peu, les deux hommes comprennent qu’ils sont prisonniers de la Reine. Ils ne sont pas les seuls. 
Séparés, ils font la connaissance de la mystérieuse Antinéa et en tombent amoureux. Mais elle leur annonce leur terrible destinée et Morhange va résister. 
C’est un livre magnifique, qui nous entraîne dans une histoire originale, un voyage unique. C’est un récit presque fantastique ou l’amour conduit à la mort, une sentence souhaitée par les victimes. 
Pierre Benoît décrit avec richesse les lieux, les ambiances, ces nuits froides passées dans les montagnes à écouter les bruits angoissants des pierres qui se brisent aux changements de température. Il met en scène des personnages attachants comme la petite esclave Tanit-Zerga qui aidera Saint-Avit dans sa fuite. Enfin, il nous fait comprendre pourquoi le capitaine, rescapé de la première expédition n’attend qu’une chose : revenir au Hoggar et affronter son destin.


III. Lisez le fragment du roman et répondez aux questions :



1. Où et quand se déroule l’action de ces chapitres?

2. Quels sont les problèmes qui y sont soulevés ?

3. Quelle période de sa vie décrit André de Saint-Avit au début de l’extrait ?

4. Comment décrit-il les événements  et tout ce qui l’entoure ?

5. Quelle impréssion avait-il de la troupe de joyeux et de disciplinaires, rencontrée dans la route ?

6. Pourquoi André était-il si nerveux quand l'Oued Tarhit avait été mentionné?

7. Qu’est-ce qui s’est passé le lendemain matin ?

8. En quelles circonstances s’est passée la confession d’André ?

9. Qu’est-ce qu’il a souligné au début de son aveu?

10. Quelle était la situation à Touat ?

11. Quel était le rôle des Senoussis ?

12. Quel était le plan de Saint-Avit?

13. Comment étaient les préparations pour l’expédition ?

14. Quelle dépêche est arrivée avant le départ ?

15. Pourquoi André était-il très désappointé ?

16. Comment expliquaient ses camarades l’arrivée du capitaine Morhange ?

17. Comment était leur première rencontre ?

18. Quelle impression a provoquée le capitaine Morhange ?

19. Comment a-t-il expliqué son arrivée ?

20. Comment était-il présenté aux officiers ?

21. Donnez la caractéristique d’un des personnages de cet extrait.

22. Quels détails ou faits ont une grande valeur dans la narration ?



«A moi, mon cher, ma première garnison à été Boghar. C'est là que je suis débarqué un matin d'octobre, sous-lieutenant de vingt ans au 1er bataillon d'Afrique, avec sur ma manche noire le galon blanc... «Les tripes au soleil», comme disent les bagnards en parlant des insignes de leurs gradés. Boghar!... Deux jours plus tôt, du pont du paquebot, j'avais commencé à apercevoir la terre d'Afrique. Je les plains, ceux qui, lorsqu'ils voient pour la première fois les pâles rochers, ne sentent pas un grand coup à leur cœur, en songeant que cette terre se prolonge des milliers et des milliers de lieues... J'étais presque un enfant, j'avais de l'argent. J'étais en avance. J'aurais pu rester trois ou quatre jours à Alger, à m'amuser. Eh bien, le soir même, je prenais le train pour Berrouaghia.

«Là, à cent kilomètres à peine d'Alger, plus de voie ferrée. En droite ligne, on ne rencontrera la première qu'au Cap. La diligence voyage de nuit, à cause de la chaleur. Dans les côtes, je descendais et marchais à côté de la voiture, m'efforçant de goûter, dans cette nouvelle atmosphère, le baiser avant-coureur du désert.

«Vers minuit, à Camp des Zouaves, qui est un humble poste sur la route en remblai, dominant une vallée desséchée d'où montent les fiévreux parfums des lauriers roses, on relaya. Il y avait là une troupe de joyeux et de disciplinaires, conduite par des tirailleurs et des tringlots vers les tas de cailloux du Sud. Les uns, suppôts des geôles d'Alger et de Douéra, en uniforme, sans arme, naturellement; les autres, en civil—quels civils! les recrues de l'année, les jeunes souteneurs de la Chapelle et de la Goutte-d'Or.

«Ils repartirent avant nous. Puis, la diligence les rattrapa. De loin, je vis, dans une flaque de lune, sur la route jaune, la masse noire et égrenée du convoi. Puis, j'entendis une mélopée sourde, les misérables chantaient. Un, d'une voix triste et gutturale, disait le couplet, qui se traînait, sinistre, au fond des ravins bleus:

Maintenant qu’elle est grande,

Elle fait le trottoir,

Avec ceux de la bande

A Richard-Lenoir.

«Et les autres reprenaient eh chœur l'horrible refrain:

A la Bastille, à la Bastille,

On aime bien, on aime bien

Nini Peau d’Chien;

Elle est si belle et si gentille

A la Bastille.

«Je les vis tout contre moi, quand la diligence les dépassa. Ils étaient terribles. Sous la hideuse viscope, les yeux brillaient d'un feu sombre dans les visages blêmes et rasés. La poussière brûlante étranglait les voix rauques dans les gorges. Une affreuse tristesse s'emparait de moi.

«Quand la diligence eut laissé derrière elle ce cauchemar, je me ressaisis.

«—Plus loin, plus loin,—m'écriai-je,—vers le Sud, jusqu'aux endroits où n'atteint pas l'ignoble marée de gravats de la civilisation.

«Quand je suis fatigué, que j'ai une minute d'angoisse et l'envie de m'asseoir sur la route que je me suis choisie, je pense aux joyeux de Berrouaghia, et je ne songe plus alors qu'à repartir.

«Mais quelle récompense, lorsque je suis dans un de ces lieux où les pauvres animaux ne pensent pas à s'enfuir, parce qu'ils n'ont jamais vu d'homme, quand le désert s'étend à l'entour, si profondément, que le vieux monde pourrait crouler sans qu'une seule ride de la dune, un seul nuage au ciel blanc vint m'en avertir.

—C'est vrai,—murmurai-je,—moi aussi, une fois, en plein désert, au Tidi-Kelt, j'ai senti cela.

Jusque-là, je l'avais laissé s'exalter sans l'interrompre. Je compris trop tard la faute que j'avais commise en plaçant cette malheureuse phrase.

Son mauvais rire nerveux l'avait repris.

—Ah! vraiment, au Tidi-Kelt? Mon cher, je t'en conjure, dans ton intérêt, si tu ne veux pas te ridiculiser, évite ce genre de réminiscence. Tiens, tu me rappelles Fromentin, ou ce pauvre Maupassant, qui a parlé du désert parce qu'il était allé jusqu'à Djelfa, à deux jours de la rue Bab-Azoun et de la place du Gouvernement, à quatre jours de l'avenue de l'Opéra;—et qui, pour avoir vu près de Bou-Sâada un malheureux chameau en train de crever, s'est cru en plein Sahara, sur l'antique voie des caravanes... Le Tidi-Kelt, le désert!

—Il me semble pourtant qu'In-Salah...—dis-je, un peu vexé.

—In-Salah? Le Tidi-Kelt! Mais, mon pauvre ami, la dernière fois que j'y suis passé, il y avait autant de vieux journaux et de boîtes de sardines vides que le dimanche, au bois de Vincennes.

Une partialité, un si évident désir de me froisser me firent oublier ma réserve.

—Evidemment,—répondis-je avec aigreur,—je ne suis pas allé, moi, jusque...

Je m'étais arrêté. Mais il était déjà trop tard.

Il me regardait, bien en face.

—Jusqu'où?—dit-il avec douceur.

Je ne répondis pas.

—Jusqu'où?—répéta-t-il encore.

Et, comme je m'empêtrais dans mon mutisme:

—Jusqu'à l'Oued Tarhit, n'est-ce pas?

C'était sur la berge est de l'Oued Tarhit, à cent vingt kilomètres de Timissao, par 23°5 de latitude Nord, disait le rapport officiel, qu'était enterré le capitaine Morhange.

—André,—m'écriai-je maladroitement, je te jure...

—Qu'est-ce que tu me jures?

—Que je n'ai jamais eu l'intention...

—De parler de l'Oued Tarhit? Pourquoi? Pour quelle raison ne parlerait-on pas devant moi de l'Oued Tarhit?

Devant mon silence plein de supplications, il haussa les épaules.

—Idiot,—dit-il simplement.

Et il me quitta, sans que je songeasse même à relever le mot.



Tant d'humilité cependant ne l'avait pas désarmé. J'en eus la preuve le lendemain, et la façon dont il me manifesta son humeur fut même marquée au coin du plus mauvais goût.

Je venais à peine de me lever qu'il pénétra dans ma chambre.

—Peux-tu m'expliquer ce que cela signifie?—demanda-t-il.

Il avait en main un des registres administratifs. Dans ses crises de nervosité, il se mettait à les éplucher, avec l'espoir d'y trouver prétexte à se montrer militairement insupportable.

Cette fois, le hasard l'avait servi à souhait.

Il ouvrit le registre. Je rougis violemment en y apercevant l'épreuve à peine virée d'une photographie que je connaissais bien.

—Qu'est-ce que cela?—répéta-t-il dédaigneusement.

Trop souvent, je l'avais surpris en train d'examiner dans ma chambre, sans aucune bienveillance, le portrait de Mlle de C... pour n'être pas, en cette minute, fixé sur la mauvaise foi qu'il mettait à me chercher querelle.

Je me contins, toutefois, et serrai dans un tiroir la pauvre petite épreuve.

Mais mon calme ne faisait pas son compte.

—Dorénavant,—dit-il,—veille, je t'en prie, à ne pas laisser traîner tes souvenirs galants dans les papiers administratifs.

Il ajouta avec le plus insultant des sourires:

—Il ne faut pas fournir de sujets d'excitation à Gourrut.

—André,—dis-je, blême,—je t'ordonne...

Il se redressa de toute sa hauteur:

—Eh bien, quoi? En voilà, une affaire. Je t'ai autorisé à parler de l'Oued Tarhit, n'est-ce pas? J'ai bien le droit, moi, je suppose...

—André!

Il regardait, maintenant, au mur, d'un air narquois, le portrait dont je venais de soustraire la petite épreuve à cette pénible scène.

—Là, là, je t'en prie, ne te fâche pas. Mais, vraiment, entre nous, avoue qu'elle est un peu maigre.

Et, avant que j'eusse trouvé le temps de lui répondre, il s'éclipsa, en fredonnant son honteux refrain de la veille:

A la Bastille, à la Bastille,

On aime bien, on aime bien

Nini Peau d’Chien...

De trois jours, nous ne nous adressâmes pas la parole. Mon exaspération était indicible. Etais-je donc responsable de ses avatars! Y avait-il de ma faute si, sur deux phrases, une semblait toujours quelque allusion...

«Cette situation est intolérable, me dis-je. Elle ne peut durer davantage.»

Elle devait cesser bientôt.

Une semaine après la scène de la photographie, le courrier nous arriva. A peine avais-je jeté les yeux sur le sommaire de la Zeitschrift, la revue allemande dont j'ai parlé déjà, qu'un sursaut d'étonnement me secoua. Je venais d'y lire: Reise und Entdeckungen zwei französischer offiziere, Rittmeisters Morhange und Oberleutnant de Saint-Avit, im westlichen Sahara.

Au même instant, j'entendis la voix de mon camarade.

—Y a-t-il quelque chose d'intéressant dans ce numéro?

—Non,—dis-je négligemment.

—Montre.

J'obéis. Que pouvais-je faire d'autre?

Il me sembla qu'il avait pâli, en parcourant le sommaire. Et pourtant, ce fut sur le ton le plus naturel qu'il me dit:

—Tu me prêtes cela, n'est-ce pas?

Et il sortit, en me jetant un regard de défi.



La Journée passa, lentement. Je ne le revis que le soir. Il était gai, très gai, d'une gaieté qui me fit mal.

Quand nous eûmes fini de dîner, nous allâmes nous accouder à la balustrade de la terrasse. De là, on embrassait le désert, que l'obscurité rongeait déjà vers l'Est.

André rompit le silence.

—Ah! à propos, je t'ai rendu ta revue. Tu avais raison, rien d'intéressant.

Il avait l'air de s'amuser énormément.

—Qu'as-tu? Mais qu'as-tu donc?

—Rien,—répondis-je, la gorge serrée.

—Rien? Veux-tu que je te dise, moi, ce que tu as?

Je le regardai d'un air suppliant.

Il haussa les épaules. Idiot! devait-il répéter encore.

La nuit tombait avec rapidité. Seule, la berge sud de l'Oued Mia était encore jaune. Dans les éboulis, un petit chacal dévala brusquement, avec un cri plaintif.

—Le dib pleure sans raison, mauvaise affaire, dit Saint-Avit.

Il reprit, impitoyablement:

—Alors, tu ne veux pas parler?

Je fis un grand effort, pour proférer cette pitoyable phrase:

—Quelle journée écrasante! Quelle nuit, lourde, lourde?... On ne se sent plus soi-même; on ne sait plus...

—Oui,—dit la voix lointaine de Saint-Avit, une nuit lourde, lourde; aussi lourde, vois-tu, que celle où j'ai tué le capitaine Morhange.

III. LA MISSION MORHANGE-SAINT-AVIT

—J'ai donc tué le capitaine Morhange,—me disait André de Saint-Avit le lendemain, à la même heure, à la même place, avec un calme qui ne tenait aucun compte de la nuit, de l'effroyable nuit que je venais de passer.—Pourquoi t'ai-je dit cela? je n'en sais rien. A cause du désert, peut-être. Es-tu l'homme qu'il faut pour supporter le poids de cette confidence, et ensuite, au besoin, pour accepter les conséquences qu'elle comporte? Je n'en sais rien non plus. L'avenir le dira. Pour l'instant, il n'est donc qu'un fait certain, c'est, je le répète, que j'ai tué le capitaine Morhange.

Je l'ai tué. Et, puisque ton désir est que je précise à quelle occasion, tu penses bien que je ne vais pas me mettre la cervelle à l'envers pour t'arranger un roman, ni commencer par te raconter afin d'être dans la tradition naturaliste, de quelle étoffe furent faites mes premières culottes, ou, comme le veulent les néo-catholiques, si, enfant, je me confessais souvent, et le plaisir que j'y prenais. Je n'ai aucun goût pour les exhibitions inutiles. Tu trouveras donc bon que ce récit commence strictement à l'époque où j'ai connu Morhange.

Et d'abord, je te dirai que, malgré ce qu'il a pu en coûter à ma tranquillité et à ma réputation, je ne regrette pas de l'avoir connu. En somme, indépendamment de toute question de mauvaise camaraderie, j'ai fait preuve d'une assez noire ingratitude en l'assassinant. C'est à lui, c'est à sa science des inscriptions rupestres, que je dois la seule chose par laquelle ma vie aura été plus intéressante que les misérables petites vies traînées par mes contemporains, à Auxonne ou ailleurs.

Ceci posé, voici les faits:

C'est au bureau arabe d'Ouargla, où j'étais lieutenant, que j'ai, pour la première fois, entendu prononcer ce nom, Morhange. Et je dois ajouter que ce fut pour moi le sujet d'un joli accès de mauvaise humeur. On était à une époque plutôt mouvementée. L'hostilité du sultan du Maroc était latente. Au Touat, où s'étaient déjà ourdis les assassinats de Flatters et de Frescaly, cette majesté prêtait la main aux manigances de nos ennemis. C'était, ce Touat, le grand centre des complots, des razzias, des défections, en même temps que le lieu de ravitaillement des insaisissables nomades. Les gouverneurs de l'Algérie, Tirman, Cambon, Laferrière, en réclamaient l'occupation. Les ministres de la Guerre, tacitement, étaient du même avis... Mais voilà, il y avait le Parlement qui ne marchait pas, à cause de l'Angleterre, de l'Allemagne, à cause surtout d'une certaine Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui prescrit que l'insurrection est le plus sacré des devoirs, même lorsque les insurgés sont des sauvages qui vous coupent proprement la tête. Bref, l'autorité militaire en était réduite à augmenter discrètement les garnisons du Sud, à créer de nouveaux postes: celui-ci, ceux de Berresof, Hassi-el-Mia, fort Mac-Mahon, fort Lallemand, fort Miribel... Mais, comme dit Castries «on ne tient pas les nomades avec des bordjs, on les tient par le ventre.» Le ventre c'étaient les oasis du Touat. Il fallait convaincre de la nécessité de s'emparer des oasis du Touat ces messieurs les avocats de Paris. Le mieux était de leur présenter un tableau fidèle des intrigues qui s'y tramaient contre nous.

Les principaux auteurs de ces intrigues étaient et sont encore les Senoussis, dont le chef spirituel a été contraint par nos armes de transporter le siège de la confrérie à quelque mille lieues de là, à Schimmedrou, dans le Tibesti. On eut,—je dis on par modestie,—l'idée de repérer les traces laissées par ces agitateurs sur leurs parcours favoris: Rhât, Temassinin, la plained'Adjemor et In-Salah. C'était, tu le vois, du moins à partir de Temassinin, sensiblement le même itinéraire que celui suivi, en 1864, par Gérard Rohlfs.

Je m'étais déjà acquis quelque notoriété par deux promenades menées l'une à Agadès, l'autre à Bilma, et passais, parmi les officiers des bureaux, pour un de ceux qui connaissaient le mieux la question Senoussis. On me demanda donc d'assumer cette nouvelle tâche.

Je fis alors remarquer qu'il y aurait intérêt à faire d'une pierre deux coups, et à jeter, en cours de route, un coup d'œil sur le Hoggar septentrional, afin de s'assurer si les Touareg d'Ahitarhen avaient toujours avec les Senoussis des rapports aussi cordiaux qu'à l'époque où ils s'entendirent pour massacrer la mission Flatters. On me donna immédiatement raison. La modification de mon trajet primitif consistait en ceci: c'est qu'arrivé à Ighelaschem, à six cents kilomètres sud de Temassinin, au lieu de gagner directement le Touat par la route de Rhât à In-Salah, je devais, m'enfonçant entre les massifs du Mouydir et du Hoggar, piquer au Sud-Ouest jusqu'à Shikh-Salah. Là, je remonterais au Nord, vers In-Salah, par la route du Soudan et d'Agadès. Soit à peine huit cents kilomètres de plus, sur un voyage total d'environ sept cents lieues, mais la certitude d'exercer une surveillance aussi complète que possible sur les routes suivies pour se rendre au Touat par nos ennemis, les Senoussis du Tibesti et les Touareg du Hoggar. En chemin,—chaque explorateur ayant son violon d'Ingres—je n'étais pas fâché de songer que je pourrais examiner un peu la constitution géologique de ce plateau d'Eguéré, sur laquelle Duveyrier et les autres sont si désespérément brefs.

Tout était prêt pour mon départ d'Ouargla. Tout, c'est-à-dire peu de chose. Trois meharâ: le mien, celui de mon compagnon Bou-Djema,—un fidèle Chaamba, que j'avais eu avec moi dans ma randonnée vers l'Aïr, moins guide, dans des pays que je connais, que machine à bâter et à débâter les chameaux,—plus un troisième, portant les vivres et outres d'eau potable, très petites, les haltes avec puits ayant été, par mes soins, suffisamment repérées.

Des gens sont partis, pour ces sortes de voyages, avec cent réguliers, et même du canon. Moi, j'en suis pour la tradition des Douls et des René Caillié: j'y vais seul.

J'en étais à cet instant délicieux où l'on ne tient plus que par un fil au monde civilisé, lorsqu'une dépêche ministérielle arriva à Ouargla.

«Ordre au lieutenant de Saint-Avit, y était-il dit brièvement, de surseoir à son départ jusqu'à l'arrivée du capitaine Morhange qui doit l'accompagner dans son voyage d'exploration.»

Je fus plus que désappointé. J'avais eu seul l'idée de cette excursion. J'avais eu toutes les difficultés que tu penses pour en faire agréer en haut lieu le principe. Et voilà qu'au moment où je me faisais une fête de ces longues heures à passer tête à tête avec moi seul, en plein désert, on m'adjoignait un inconnu, et qui plus était, un supérieur!

Les condoléances de mes camarades décuplèrent ma mauvaise humeur.

L'Annuaire, immédiatement consulté, leur avait donné les renseignements suivants:

«Morhange (Jean-Marie-François), promotion de 1881. Breveté. Capitaine hors cadres (Service géographique de l'Armée)».

—Voilà l'explication,—dit l'un.—C'est un pistonné que l'on t'envoie pour tirer les marrons du feu, dans une chose où tu auras eu tout le mal. Breveté! La belle affaire. Les théories d'Ardant du Picq ou rien, par ici, c'est kif-kif.

—Je ne suis pas tout à fait de votre avis,—opina notre commandant. Ils ont su, au Parlement—il y a, hélas! toujours des indiscrétions—le but véritable de la mission de Saint-Avit: leur forcer la main pour l'occupation du Touat. Et ce Morhange doit être un homme à la dévotion de la Commission de l'Armée. Tous ces gens-là, voyez-vous, ministres, parlementaires, gouverneurs, se surveillent entre eux. Il y aura un jour à écrire une jolie histoire paradoxale de l'expansion coloniale française, qui s'est toujours faite à l'insu des pouvoirs, quand ce n'a pas été malgré eux.

—Quoi qu'il en soit, le résultat sera le même,—dis-je amèrement: nous allons être deux Français à nous épier nuit et jour, sur les routes du Sud. Aimable perspective, alors qu'on n'a pas trop de toute son attention pour déjouer les facéties des indigènes. Quand va-t-il être ici, ce Monsieur?

—Après-demain, sans doute. Un convoi m'est annoncé de Ghardaïa. Il est vraisemblable qu'il en profitera. Tout porte à croire qu'il ne doit pas savoir très bien voyager seul.

Le capitaine Morhange arriva en effet le surlendemain à la faveur du convoi de Ghardaïa. Je fus la première personne qu'il demanda à voir.

Quand il pénétra dans ma chambre, où je m'étais retiré dignement, sitôt que le convoi avait été en vue, j'eus la surprise désagréable de constater qu'il me serait assez difficile de lui tenir longtemps rigueur.

Il était grand, le visage plein et coloré, les yeux bleus rieurs, la moustache petite et noire, les cheveux déjà presque blancs.

—J'ai mille excuses à vous adresser, mon cher camarade,—dit-il aussitôt, avec une franchise que je n'ai connue qu'à lui.—Vous devez bien en vouloir à l'importun qui a dérangé vos projets et retardé votre départ.

—Nullement, mon capitaine,—répondis-je froidement.

—Prenez-vous-en un peu à vous-même. C'est votre science des routes du Sud, célèbre à Paris, qui m'a fait désirer vous avoir pour initiateur, quand les ministères de l'instruction publique et du Commerce et la Société de Géographie se sont concertés pour me charger de la mission qui m'amène ici. Elles m'ont en effet confié, ces trois honorables personnes morales, le soin de reconnaître l'antique voie des caravanes qui, dès le IXe siècle, trafiquaient entre Tunis et le Soudan, par Tozeur, Ouargla, Es-Souk et le coude de Bourroum, en étudiant la possibilité de restituer à ce parcours son antique splendeur. Mais en même temps, au Service géographique, j'apprenais le voyage que vous entrepreniez. D'Ouargla à Shikh-Salah, nos deux itinéraires sont communs. Or, il faut vous avouer que c'est le premier voyage de ce genre que j'entreprends. Je ne craindrais pas de disserter une heure sur la littérature arabe dans l'amphithéâtre de l'Ecole des langues orientales, mais je me rends compte que je serais assez emprunté pour demander, dans le désert, s'il faut tourner à gauche ou à droite. Une occasion unique s'offrait de me mettre au courant, tout en étant redevable de cette initiation à un compagnon charmant. Il ne faut pas m'en vouloir si je l'ai saisie, si j'ai usé de tout mon crédit pour retarder votre départ d'Ouargla jusqu'à l'instant où je pourrais vous y joindre. A ceci, je n'ai plus à ajouter qu'un mot. Je suis chargé d'une mission que ses origines rendent essentiellement civile. Vous, vous êtes investi par le ministère de la Guerre. Jusqu'au moment donc où, arrivés à Shikh-Salah, nous nous tournerons le dos pour gagner, vous le Touat, et moi le Niger, tous vos conseils, tous vos ordres, seront suivis à la lettre par un subalterne et, je l'espère, aussi par un ami.

A mesure qu'il parlait avec une si aimable franchise, je sentais une immense joie à voir mes pires craintes de tout à l'heure se dissiper. J'éprouvais néanmoins la mauvaise envie de lui marquer quelque réserve, pour avoir ainsi disposé, à distance, sans que j'eusse été consulté, de ma compagnie.

—Je vous suis très reconnaissant, mon capitaine, d'aussi flatteuses paroles. Quand désirez-vous que nous quittions Ouargla?

Il eut un geste de complet désintéressement:

—Mais, quand vous voudrez. Demain, ce soir. Je vous ai retardé. Vos préparatifs doivent être achevés depuis longtemps.

Ma petite manœuvre s'était retournée contre moi, qui n'avais pas mis dans mes projets de partir avant la semaine suivante.

—Demain, mon capitaine? Mais... vos bagages?

Il eut un bon sourire.

—Je croyais qu'il fallait se faire suivre du moins d'objets possible. Quelques effets, du papier: mon brave chameau n'a pas eu de peine à porter cela. Pour le reste, je m'en remets à vos conseils et aux ressources d'Ouargla.

J'étais battu. Je n'avais plus rien à objecter. Et d'ailleurs, une telle liberté d'esprit et de manières me séduisait déjà étrangement.

—Eh bien,—dirent mes camarades, quand l'heure de l'apéritif nous eut rassemblés.—Il a l'air tout à fait épatant, ton capitaine.

—Tout à fait.

—Tu n'auras sûrement pas d'histoires avec lui. A toi seulement de veiller à ce qu'il ne tire pas à lui, après, toute la couverture.

—Nous ne travaillons pas dans la même partie,—répondis-je évasivement.

J'étais pensif, uniquement pensif, je le jure. Dès ce moment, je n'en voulais plus à Morhange. Et pourtant, mon silence les persuada que je lui conservais de la rancune. Et tous, tu m'entends, tous, se sont dit, plus tard, quand ont commencé à courir les soupçons sur la chose:

«Coupable, il l'est sûrement. Nous qui les avons vus partir ensemble, nous pouvons l'affirmer.»

Coupable, je le suis... Mais, pour ces bas motifs de jalousie... Quelle nausée!

Après cela, il n'y a plus qu'à fuir, fuir, jusqu'aux lieux où l'on ne rencontre plus des hommes qui pensent et raisonnent.

Morhange survint, son bras passé sous celui du commandant, qui avait l'air enchanté de cette nouvelle connaissance.

Il le présenta bruyamment:

—Capitaine Morhange, messieurs. Un officier de la vieille école, sous le rapport de la gaîté, je vous en donne ma parole. Il veut partir demain. Mais il faut que nous lui fassions une réception telle que cette idée, avant deux heures, ait quitté sa tête. Voyons, capitaine, vous avez bien huit jours à nous donner.

—Je suis à la disposition du lieutenant de Saint-Avit,—répondit Morhange en souriant doucement.

La conversation était devenue générale. Les verres et les rires s'entre-choquaient. J'entendais mes camarades se pâmer aux histoires qu'avec une inaltérable bonne humeur ne cessait de leur raconter le nouveau venu. Et moi, jamais, jamais, je ne m'étais senti aussi triste.

L'heure vint de passer à la salle à manger.

—A ma droite, capitaine,—cria le commandant, de plus en plus radieux.—Et j'espère que vous allez continuer à nous en servir de bonnes, sur Paris. Ici, on n'est plus au courant, vous savez.

—A vos ordres, mon commandant,—dit Morhange.

—Asseyez-vous, messieurs.

Les officiers obéirent, dans un brouhaha joyeux de chaises remuées.

Je ne quittai pas des yeux Morhange, toujours debout.

—Mon commandant, messieurs, vous permettez,—dit-il.

Et, avant de prendre place à cette table, où, pas une minute, il ne devait cesser de se montrer le plus gai des convives, à mi-voix, les yeux clos, le capitaine Morhange récita leBenedicite.








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