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Maurice Druon. Les Grandes Familles

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Разработка содержит материалы о жизни и творчестве Мориса Дрюона, а также отрывок из его романа "Сильные мира сего" и задания к нему.

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«Maurice Druon. Les Grandes Familles»

Maurice Druon. Les Grandes Familles

I. Lisez le texte et répondez aux questions :

1. Qui est Maurice Druon?

2. Dans quelle famille est-il né?

3. Quand a-t-il commencé à publier dans les revues et journaux littéraires? 

4. Quels ouvrages a-t-il écrits?

5. Qu’est-ce qui caractérise son activité politique ?

6. Quels sont ses liens avec la Russie?

7. Quel est le thème central de ses romans ?

8. Comment a-t-il été recompensé ?

Maurice Druon, né le 23 avril 1918 à  Paris et mort le 14 avril 2009, est un écrivain et homme politique français. Maurice Druon s'engage dans la Résistance et rejoint Londres en janvier 1943. Attaché au programme « Honneur et Patrie » de la BBC, il écrit alors avec son oncle Joseph Kessel les paroles du Chant des Partisans, hymne aux mouvements de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale.

Après la guerre, il devient un homme de lettres à succès avec Les Grandes Familles (Prix Goncourt 1948) et surtout la saga des Rois maudits, roman historique en sept tomes publiés entre 1955 et 1977 et que l'adaptation télévisée fera connaître à un très large public. Il est élu à l'Académie française en 1966 à quarante-huit ans, et en devient le secrétaire perpétuel de 1985 à 1999. Il a écrit d'autres œuvres — comme Tistou les pouces verts, en 1957, un conte pour la jeunesse —, mais aussi des pièces de théâtre et des essais.

Gaulliste et engagé dans l'action politique, Maurice Druon a été ministre des Affaires culturelles en 1973-74.

Son père, Lazare Kessel (1899-1920), né à Orenbourg en Russie, immigre à Nice en 1908 en compagnie de ses parents juifs d'origine lituanienne et de son frère aîné, le futur écrivain Joseph Kessel. Lauréat du premier prix du Conservatoire, Lazare Kessel est pensionnaire de la Comédie-Française. Mais il se suicide par balle le 27 août 1920 à l'âge de 21 ans avant d'avoir reconnu son enfant. Le futur Maurice Druon est reconnu en 1926 par René Druon (1874-1961), notaire dans le Nord, lorsque celui-ci épouse sa mère, Léonilla Samuel-Cros (1893-1991).

Maurice Druon poursuit ses études secondaires au lycée Michelet deVanves. Lauréat du Concours général en 1936, il commence à publier, à l’âge de dix-huit ans, dans les revues et journaux littéraires tout en étant élève à la Faculté des lettres de Paris puis à l'École libre des sciences politiques (1937-1939). Avec son oncle Joseph Kessel, il rencontre des artistes de l'Europe de l'Est et fréquente les cabarets russes.

Il s'engage dans la Résistance. Avec son oncle Joseph Kessel, il quitte la France à Noël 1942, pour rejoindre les rangs des Forces françaises libres du général de Gaulle, traversant les Pyrénées puis l’Espagne et le Portugal avant qu'un hydravion ne les emmène en janvier 1943 à Londres.

Il devient l'aide de camp du général François d'Astier de La Vigerie, puis attaché au programme « Honneur et Patrie » de la BBC auprès d'André Gillois, avant de partir en mission à Alger pour le Commissariat à l’intérieur et à l’information et devient correspondant de guerre auprès des armées françaises en 1944 jusqu’à la fin des hostilités.

À la Libération, il se consacre à la littérature et publie ses souvenirs de guerre dans La Dernière Brigade en 1946. Avec son roman Les Grandes Familles en 1948, premier de la trilogie « La Fin des hommes » (avec « La Chute des corps » et « Rendez-vous aux enfers »), il reçoit le Prix Goncourt qui lui donne une place dans le Paris littéraire. En 1953, sa pièce en un acte, Un Voyageur, entre au répertoire de la Comédie-Française avec une mise en scène deJean Piat, et il publie avec Joseph Kessel, la pièce Le Coup de grâce. Puis il accède définitivement à la célébrité avec le succès de sa saga historique littéraire, Les Rois maudits, publiée à partir de 1955, et adaptée en 1973 à la télévision. Maurice Druon n'a jamais caché que sa série « Les Rois maudits » avait été le résultat d'un travail d'atelier.

Après divers prix prestigieux, dont le prix Pierre de Monaco qui récompense l'ensemble de son œuvre à quarante-huit ans en 1966, il est élu, le 8 décembre de cette même année, à l’Académie française.

Le résistant gaulliste reste engagé politiquement durant toutes ces années. Peu à peu, le romancier laisse la place à l'écrivain engagé et au polémiste. Publiant tour à tour L'Avenir en désarroi où il analyse les mouvements de Mai 68,Une Église qui se trompe de siècle dans lequel il critique l'évolution de l'Église catholique, ou une édition augmentée de ses Lettres d’un Européen, publiées initialement durant la guerre, et dans lesquelles il prend parti pour une Europe des Nations avec monnaie unique et suppression des frontières.

Maurice Druon est nommé le 5 avril 1973 ministre des Affaires culturelles par Georges Pompidou.



II. Lisez le résumé du roman Les grandes familles et répondez aux questions :



1. Où et quand se déroule l’action de ce roman ?

2. Quel est le sujet du roman ?

3. Quels sont les problèmes essentiels qui y sont soulevés ?

4. Nommez les personnages du roman.

5. Quelle est l’idée principale ?


Cette saga composée de trois tomes devait s’intituler La Fin des hommes, mais le succès du premier volume Les Grandes Familles fit de son titre celui de l’ensemble. Le roman a fait l’objet d'une adaptation cinématographique du même nom, Les Grandes Familles, par Michel Audiard et Denys de La Patellière, réalisée par ce dernier et sortie en 1958. Une adaptation télévisée, avec entre autres Michel Piccoli, a été réalisée en 1989 par Edouard Molinaro, musique de Vladimir Cosma.

Les trois tomes sont :

  1. Les Grandes Familles

  2. La Chute des corps

  3. Rendez-vous aux Enfers

Résumé

La scène d'ouverture du roman prend place dans le Paris de 1916, sous les bombardements des Zeppelins allemands. Dans une clinique, la famille La Monnerie issue de la noblesse française entoure Jacqueline Schoudler qui vient de mettre au monde l'héritier mâle de la lignée des banquiers Schoudler. Ainsi sont présentés dès le prologue, les protagonistes dont les revers de fortune constituent la trame du roman. Cette naissance semble prendre la valeur symbolique d'une alliance entre deux mondes qui dominent alors la société française, d'un côté, la vieille noblesse française, encore attachée aux valeurs d'une aristocratie du XIXe siècle et de l'autre, la grande bourgeoisie, ici d'origine juive, incarnée par Noël Schoudler, patron de presse, régent de la banque de France et entrepreneur de génie. Manquent à ce portait de groupe, François Schoudler, père du petit Jean-Noël alors sur le front, Lucien Maublanc dit Lulu dont la fortune colossale n'a d'égale que le ridicule, et Simon Lachaume, épigone du grand poète Jean de la Monnerie, à l'ambition aiguisée.

Il est question dans ce premier tome de la lente déchéance d'une famille. Et c’est à travers celle-ci annonciatrice, qu’il faut sans doute y lire le déclin d'une nation tout entière. Dès les premiers chapitres du roman, l'auteur, sans illusion pose le cadre peu reluisant de cet entre-deux-guerres : "Entre les sociétés de 1910 et 1920 s'était ouverte une crevasse plus profonde, plus certaine qu'entre la société de 1820 et celle de 1910. Il était de Paris comme de ces gens dont on dit "il a vieilli de dix ans en huit jours." En quatre ans de guerre, la France avait vieilli d'un siècle, son dernier siècle peut-être de grande civilisation ; et cette fringale de vivre que connaissait Paris était une avidité de poitrinaire." Loin des années folles, le récit est rythmé par les enterrements successifs et c'est le sentiment du déclin qui prévaut.

Et même cette naissance, la seule d'ailleurs qui ne soit pas marquée par le sceau du malheur, est l'occasion d'une illustration encore plus amère de la thèse de l'auteur : alors que retentit la sirène prévenant de l'arrivée imminente d'un zeppelin, la mère alitée est laissé seule par sa famille tout entière qui part se réfugier dans l'abri de la clinique. Si Urbain de la Monnerie, l'oncle de la jeune femme, se reprend et demeure finalement à ses côtés, ce geste souligne surtout la lâcheté sans scrupule des autres personnages. Il apparaît ainsi comme le témoignage d'une courtoisie d'un temps aujourd'hui révolu puisque le personnage est présenté, dès les premières lignes du roman, à travers le discours qu’il tient, comme anachronique : "Je désapprouve absolument cette nouvelle mode d'aller mettre bas hors de chez soi... Nos mères faisaient-elles tant d'embarras ?... Elles laissaient faire la nature, et au bout de deux jours, elles avaient les joues roses."

Pour ce qui est de la situation finale, il est notable que seuls Simon Lachaume, Sylvaine Dual et le médecin Lartois semblent avoir tiré leur épingle du jeu. Le suicide de François, la dépression consécutive de sa femme, les morts successives des aïeux la Monnerie et Schoudler, la fausse couche d'Isabelle, la mort de son époux, la mise sous tutelle de Lucien Maublanc après les multiples duperies dont il a été victime et sa mort finale à l'hospice sont autant d'évènements qui émaillent le récit d'une impression générale de décadence inéluctable.Pour comprendre le pouvoir : ndes familles" de

III. Lisez le fragment du roman et répondez aux questions:


1. Où et quand se déroule l’action de ce fragment?

2. Quels sont les problèmes qui y sont soulevés ?

3. Dégagez le leitmotiv de ce fragment.

4. Composez les questions sur le contenu de cet extrait et répondez à ces questions.

5. Dressez le plan du fragment.

6. Donnez la caractéristique d’un des personnages.

7. Quels détails ou faits ont une grande valeur dans la narration ?

8. Que pensez-vous, en général, de cet extrait du texte ?


PROLOGUE

Les murs de la chambre de clinique, le bois des meubles, le métal du lit étaient peints d'un blanc brillant, lavable et cru.

De la tulipe de verre dépoli fixée au-dessus du chevet, la lumière électrique, également blanche et dure, tombait sur les draps, sur l'accouchée p‚le qui clignait des paupières, sur le berceau, sur les six visiteurs.

-Toutes vos belles raisons ne changeront rien à mon idée, ni même le fait que ce soit la guerre, dit le marquis de La Monnerie.

Je désapprouve absolument cette nouvelle mode d'aller mettre bas hors de chez soi.

Il avait soixante-quatorze ans et était l'oncle de l'accouchée. Chauve aux deux tiers, il conservait sur l'arrière de la tête une couronne de cheveux blancs dressés en brosse raide, comme une crête d'ara.

Nos mères faisaient-elles tant d'embarras ? continua-t-il.

Elles n'avaient pas besoin de cinquante diables de chirurgiens, et d'autant d'infirmières, et de tous ces ingrédients qui empestent, pour produire des enfants vigoureux. Elles laissaient faire la nature, et au bout de deux jours elles avaient les joues roses.

Tandis que regardez-moi cette mine de paille m‚chée !

La manchette tendue vers l'oreiller, il prenait la famille à

témoin. Il eut à ce moment une quinte de toux ; le sang lui afflua au visage, à travers les ravines et les bouffissures, et lui colora la peau d'écarlate jusqu'au cr‚ne ; puis il cracha fortement dans son mouchoir, se nettoya la moustache.

Assise à la droite du lit, Mme Jean de La Monnerie, l'épouse du grand poète et la mère de l'accouchée, haussa ses imposantes épaules. Elle avait depuis longtemps passé la cinquantaine ; elle était vêtue de velours grenat et portait un vaste chapeau. Sans se détourner, elle répondit à son beau-frère, d'une voix autoritaire :

N'empêche, mon cher Urbain, que si votre femme avait été

transportée à temps, vous l'auriez peut-être encore avec vous.

Tout le monde en a assez parlé !

Mais non, mais non, répliqua Urbain de La Monnerie. Vous étiez beaucoup trop jeune, Juliette ; qu'est-ce que vous pouvez en savoir ? A l'hôpital, à la clinique, o˘ vous voudrez, cette malheureuse Mathilde serait morte de même façon, et sans seulement la satisfaction de s'en aller dans son propre lit, plutôt que dans le lit de tout le monde ! La vérité, c'est qu'on ne fonde pas un foyer chrétien avec une femme qui a les hanches étroites à passer par un rond de serviette.

-Croyez-vous que ce soit bien une conversation à tenir devant cette enfant ? dit la baronne Schoudler, petite femme aux cheveux gris et au teint encore frais, qui se tenait de l'autre côté du lit.

L'accouchée, déplaçant légèrement la tête, lui sourit.

- «a ne fait rien, ma mère, ça ne fait rien, murmura-t-elle.

Entre la baronne Schoudler et sa belle-fille existait la complicité des êtres de petite taille.

-Moi, je vous trouve bien, ma chère Jacqueline, reprit la baronne Schoudler. Deux enfants à dix-huit mois d'intervalle, on a beau dire, c'est tout de même quelque chose. Et vous avez supporté cela parfaitement, et votre poupon est superbe !

Le marquis de La Monnerie, bougonnant, se tourna vers le berceau autour duquel trois hommes déjà se trouvaient assemblés, tous vêtus de sombre, une perle piquée dans leur cravate. Le plus jeune était le baron NoÎl Schoudler, régent de la Banque de France, l'un des grands-pères du nouveau-né et le mari de la petite femme aux cheveux gris et au teint frais. NoÎl Schoudler était de stature gigantesque. Son ventre, son torse, ses joues, ses paupières, tout était lourd, empreint de s˚reté de soi et du go˚t des combats d'argent. Il portait une barbe courte, très noire, et taillée en pointe comme celle d'un ruffian.

Ce sexagénaire massif entourait d'égards son père, Siegfried Schoudler, l'ancêtre, le fondateur de la banque Schoudler, celui que Paris avait surnommé " le baron de tous les empires ", un vieillard maigre, à cr‚ne tacheté et favoris crémeux, au nez énorme et veiné, aux yeux bordés de pourpre mouillée qui, installé

dans le meilleur fauteuil, les genoux écartés, le dos courbé, appelait sans cesse l'oreille filiale pour y faire, avec un reste d'accent autrichien, des confidences que tout le monde entendait.

Le dernier personnage présent auprès du berceau était l'autre grand-père Jean de La Monnerie, le poète illustre et académicien.

De deux @s le cadet de son frère Urbain, auquel il ressemblait en plus fin et aussi en plus hépatique, sa calvitie à peine cachée par une longue mèche jaun‚tre qui lui faisait le tour du front, il s'appuyait sur une canne en bois des îles.

Il n'avait pas pris part à la discussion familiale. Il contemplait le nourrisson, petite larve chaude, aveugle et fripée, dont la figure, à peine grosse comme un demi-poing d'adulte, sortait des linges.

-Mystère, dit-il. Mystère parfaitement banal, et le plus impénétrable, et le seul qui nous importe.

Il secoua la tête d'un air triste, laissa glisser son monocle teinté, retenu par. un cordonnet ; l'oeil gauche, découvert, divergeait un peu.

Autrefois, continua-t-il, je n'aurais pu soutenir la vue d'un nouveau-né. Cela me causait un malaise. Cette cécité de l'embryon, ce néant mental... Ces membres minuscules dont on sait que les os sont encore gélatineux... Et par quel avertissement mystérieux les cellules arrêtent-elles un jour leur croissance ?

Pourquoi se dessèche-t-on...

Les paroles semblaient lui tomber des dents.

-... devient-on ce que nous sommes ? ajouta-t-il avec un soupir. On finit de vivre, et l'on n'a toujours pas compris, pas plus que cet enfant.

-Il n'y a pas de mystère, il y a Dieu, voilà tout, dit Urbain de La Monnerie. Et quand on devient vieux comme nous, eh bien ! on est comme les vieux cerfs qui ravalent... qui portent moins de bois chaque année.

NoÎl Schoudler avança son énorme index et le présenta à la main du nourrisson.

Alors, au bout des hauts faux cols raides et glacés, les têtes se penchèrent, inclinèrent leurs bouffissures, leurs rides, leurs paupières chauves ou pourpres, leurs fronts mouchetés, leurs grandes narines grumeleuses, leurs immenses oreilles, leurs mèches jaun‚tres ou leurs cheveux dressés, soufflèrent dans le berceau l'haleine de leurs bronches usées, imprégnées de cigare, de leurs moustaches tombantes et de leurs de ts réparées, pour observer les petits doigts qui serraient, qui crispaient autour du doigt du grand-père une peau mince pareille à la membrane des quartiers de mandarine.

-Extraordinaire, dit NoÎl Schoudler, ce que ça a déjà de force Et les quatre hommes restaient au-dessus de l'énigme, au-dessus de cette combinaison à peine éclose de leurs sangs, de leurs ambitions, de leurs amours maintenant lointaines.

Le bébé commença, sous ce dôme, à prendre une couleur cramoisie et à gémir faiblement.

-En tout cas, en voilà un qui aura tout pour être heureux, s'il sait s'en servir, dit en se redressant NoÎl Schoudler.

En homme qui connaissait le prix des choses, le géant calculait tout ce que l'enfant réunissait sur lui, ou réunirait un jour, tout ce qui se trouvait déjà dans le berceau : la banque, les sucreries, un grand journal quotidien, un titre du Saint-Empire, la notoriété mondiale du poète et ses droits d'auteur, le ch‚teau et les terres du vieil Urbain, d'autres fortunes moindres, et une place faite d'avance dans les milieux de l'aristocratie, de la finance, du gouvernement, de la littérature...

Siegfried Schoudler interrompit son fils dans sa méditation en le tirant par la manche, et lui chuchota à grosse voix

- Comment se nomme-t-il ?

- Jean-NoÎl, comme ses grands-pères.

Du haut de sa taille, et posant encore une fois, sur le nourrisson le plus riche de Paris, le filet noir de son regard, NoÎl répéta, pour lui-même orgueilleusement :

- Jean-NoÎl Schoudler...

Le bruit d'une sirène parvint des lointains de la ville. Les visiteurs dressèrent la tête tous ensemble, sauf l'aÔeul qui n'entendit que la seconde sirène voisine.

On était aux premières semaines de 1916. De temps à autre, le soir, le " Zeppelin " venait sur la capitale qui hurlait à son approche et puis s'obscurcissait. Des millions de vitres se calfeutraient. Le gros dirigeable allemand survolait lentement l'agglomération éteinte, larguait quelques bombes qui tombaient au hasard parmi la multitude des rues et des demeures, et repartait.

-Un immeuble a été touché la nuit dernière, à Vaugirard.

quatre personnes, paraît-il, ont été tuées, dont trois femmes, dit Jean de La Monnerie au milieu du silence.

Dans la chambre, la résonnance semblait n'être plus la même.

Il se passa plusieurs secondes. Nulle rumeur à l'extérieur, sinon le roulement d'un fiacre dans une artère proche.

Siegfried fit de nouveau un signe à son fils, qui l'aida à

remettre son manteau doublé de fourrure ; puis le vieillard se rassit.

La baronne Schoudler, pour alimenter la conversation, dit

-Un de leurs affreux obus est tombé sur une voie de tramway.

Le rail s'est tordu en l'air et est venu tuer un malheureux homme sur le trottoir.

NoÎl Schoudler, immobile, fronçait les sourcils.

La sirène du quartier se mit à rugir ; Mme de La Monnerie tint dignement ses index sur ses oreilles le temps que la sonnerie dura.

Il y eut des pas dans le couloir, des portes battirent, une infirmière entra.

C'était une grande femme déjà ‚gée, à la peau sèche et aux gestes masculins.

Elle alluma la veilleuse de stéarine sur la table de nuit, s'assura que les rideaux étaient bien tirés, éteignit la tulipe.

Dans la demi-obscurité, les silhouettes des visiteurs peuplèrent le mur d'étranges ombres, en face de l'accouchée.

-Si ces personnes veulent descendre, dit l'infirmière, l'abri se trouve dans l'immeuble. La jeune dame ne peut encore être descendue, le médecin l'a interdit. Demain peut-être...

Elle sortit le nourrisson du berceau, l'enveloppa dans la couverture.

Suis-je seule à rester à cet étage ? demanda l'accouchée d'une voix faible.

L'infirmière ne répondit pas à la question.

- Allons ! vous allez être bien calme, bien sage, dit-elle.

-Je voudrais garder mon enfant, à côté de moi, là, dit encore l'accouchée en creusant le flanc du côté opposé à la fenêtre.

L'infirmière fit simplement : " Ts... ts... " et s'en alla, portant le bébé.

Par la porte battante, l'accouchée entrevit, dans la lumière bleutée du couloir, les autres malades de l'étage qui passaient roulés sur des chariots. quelques secondes s'écoulèrent.

-NoÎl, je crois qu'il vaudrait mieux que vous descendiez, à

cause de votre coeur, dit la baronne Schoudler d'une voix baissée pour paraître calme.

-Oh, moi, ça n'a pas d'importance, répondit NoÎl Schoudler.

C'est plutôt pour mon père.

Le vieux Siegfried, lui, ne cherchait pas d'excuses ; il était debout et attendait, déjà impatienté, qu'on l'accompagn‚t.

-NoÎl déteste demeurer dans les étages pendant les alertes, murmura la baronne à Mme de La Monnerie. Cela lui donne des troubles cardiaques.

Les La Monnerie considéraient avec quelque mépris l'inquiétude des Schoudler. Ils leur pardonnaient d'avoir peur, mais non de le montrer.

Mme de La Monnerie sortit de son s une petite montre ronde.

-Jean, il va falloir partir si nous ne voulons pas être en retard à l'Opéra, dit-elle en insistant sut " Opéra " pour bien prouver que la présence du Zeppelin ne changeait rien au programme de leur soirée.

- Oui, vous avez raison, Juliette, répondit le poète.

Il boutonna son pardessus, respira comme s'il rassemblait son courage et ajouta d'un ton neutre :

-Il faut encore que je passe au cercle. Je vous déposerai, et puis viendrai vous rejoindre au deuxième acte.

-Mais ça ne fait rien, mon ami ça ne fait rien, dit Mme de La Monnerie assez aigrement. Votre frère me tiendra compagnie.

Elle se pencha vers sa fille.

-Merci d'être venue, maman, dit machinalement l'accouchée en recevant sur le front un bref baiser.

La baronne Schoudler s'avança ensuite pour prendre congé.

Elle sentit la main de l'accouchée se serrer autour de la sienne, presque

l'agripper ; elle eut un instant d'hésitation, puis pensa : "

Après tout ce n'est que ma belle-fille. Puisque sa mère part... "

La main de Jacqueline se rel‚cha.

-Ce Guillaume II est véritablement un barbare, dit la baronne pour masquer sa gêne.

D'un pas pressé, les uns à cause de leur angoisse, les autres à cause de leur spectacle ou de leur rendez-vous à peine secret, les visiteurs sortirent, les femmes d'abord, en assurant leurs épingles à chapeau, les hommes après, par ordre d'‚ge. Puis la porte retomba, puis le silence.

L'accouchée tourna les yeux vers la vague blancheur du berceau vide et vers la photographie d'un jeune officier de dragons, de face, la tête haute, qu'éclairait la veilleuse sur la table de nuit. Dans un coin du cadre était encastrée une autre photographie, plus petite, du même officier, mais vêtu d'un épais manteau de peau de chèvre, et les bottes dans la boue.

-François... dit tout bas la jeune femme. François... Mon Dieu, faites qu'il n'arrive rien à François, là-bas...

Les yeux grands ouverts sur la demi-ténèbre, l'oreille tendue, elle percevait le bruissement de sa propre respiration.

Soudain elle entendit un ronronnement de moteur qui venait du ciel, puis une déflagration sourde dont les vitres tremblèrent, et de nouveau le ronronnement, plus près.

Jacqueline saisit le bord du drap et, les poings rapprochés, le remonta sur sa bouche.

La porte se rouvrit à ce moment une tête couronnée de blanc apparut et l'ombre d'oiseau en colère d'Urbain de La Monnerie glissa sur le mur.

Le vieil homme retenait ses pas ; il vint s'asseoir près du lit, sur la chaise qu'avait abandonnée quelques minutes plus tôt sa belle-soeur, et se borna à dire :

-«a ne m'a jamais amusé, l'Opéra. J'attendrai aussi bien auprès de toi... Mais quelle idée de venir accoucher dans un endroit pareil !

Le Zeppelin avançait, allait passer au-dessus de la clinique.

CHAPITRE PREMIER

LA MORT DU POETE

L'air était sec, froid, cassant, comme du cristal. Vers le ciel de décembre, obscur à la fois et encombré d'astres, Paris lançait son immense lueur rose. Les millions d'ampoules, les milliers de réverbères à gaz, les rampes des vitrines, les enseignes lumineuses courant autour des toits, les boulevards sillonnés par tant de lanternes de voitures, les portiques des thé‚tres, les lucarnes de la misère, les fenêtres du Parlement en séance tardive, les ateliers d'artistes, les verrières d'usines, les rats-de-cave des veilleurs, les reflets dans l'eau des bassins, et sur la pierre des colonnades et dans les glaces, et sur les bagues et les plastrons blancs, tous ces feux, ces foyers, ces rayons se fondaient au-dessus de la capitale en un dôme de clarté.

La Grande Guerre était terminée depuis deux ans. Paris avait resurgi, éblouissant, au milieu de la Terre. Jamais peut-être plus qu'en cette fin de l'année 1920 n'avait été facile le mouvement des affaires et des idées ; jamais l'argent, le luxe, l'oeuvre d'art, le livre, le mets rare, le vin, la parole, l'ornement, la chimère ne s'étaient répandus à telle profusion.

Les doctrinaires du monde entier hurlaient la vérité et le paradoxe dans les cafés de la Rive Gauche, et, entourés d'oisifs inspirés, d'esthètes, de révolutionnaires permanents, de révoltés temporaires, tenaient chaque nuit la plus grande, la plus étonnante foire à l'intelligence qui se soit vue dans l'histoire du monde. De tous Etats, de tous royaumes, ministres et diplomates se côtoyaient aux réceptions fleuries du quartier du Bois. La Société des Nations, à peine créée, avait choisi pour lieu de sa première assemblée le salon de l'Horloge, au quai d'Orsay, et c'est de là qu'elle avait assuré l'humanité d'une ère de bonheur.

Les femmes avaient raccourci leurs robes et commençaient à couper leurs cheveux. Les fortifications datant de Louis-Philippe

- cette ceinture herbue de fossés et de bastions dans laquelle Paris avait vécu à l'aise pendant quatre-vingts ans et o˘ les enfants des rues grises venaient jouer le dimanche - étaient brusquement devenues trop étroites ; on rasait les forts, on comblait les douves, et la ville allait déborder sur les jardins miséreux, noyer de ses hautes vagues de briques et de ciment les églises des anciens villages. La République avait élu pour premier président d'après la victoire l'un des hommes les plus élégants de France mais qui, en peu de semaines, sombrait dans la folie.

Paris était plus que jamais une société soumise au succès ; dix mille personnes au maximum y détenaient en partage sans cesse révisé le pouvoir, la fortune, la gr‚ce et le talent. Elles étaient assez comparables aux perles dont la vogue était alors très grande et qui semblaient leur symbole ; il en était de véritables, de cultivées, de fausses et de baroques ; on voyait des orients humains noircir en quelques mois et d'autres sur le marché augmenter chaque jour de valeur. Mais surtout aucune de ces dix mille personnes n'avait la transparence dure, l'éclat sincère, coupant, de la pierre précieuse ; toutes avaient la luminosité trouble, laiteuse, impénétrable du produit des profondeurs marines.

Deux millions d'autres êtres les entouraient. Ceux-là n'étaient pas nés sur le chemin de la chance, ou n'avaient pas pu l'atteindre, ou ne l'avaient même pas tenté. Comme de tout temps, c'étaient ceux qui raclaient les violons, habillaient les actrices, encadraient les tableaux que d'autres avaient peints, clouaient les tapis sous les souliers blancs des grands mariages.

Les moins heureux demeuraient bloqués entre la besogne et la notoriété.

Mais nul n'e˚t pu dire si c'étaient les dix mille qui dirigeaient les autres, organisaient leurs deux millions de t‚ches et en profitaient, ou bien les deux millions qui, par besoin d'agir, de vendre, d'admirer, de se sentir solidaires de la gloire, sécrétaient les nacres du diadème.

Une foule debout depuis cinq heures pour voir passer une calèche royale est plus joyeuse que le prince assis qui la salue.

Les hommes de la génération finissante, dont la vieillesse avait enjambé la guerre, trouvaient pourtant que Paris déclinait avec eux. Ils déploraient la fin de la politesse et d'une forme française de l'esprit, héritage, affirmaient-ils, du dix-huitième siècle et qu'ils avaient gardé intact. Ils oubliaient que leurs pères et leurs grands-pères en avaient dit autant : ils oubliaient aussi qu'ils avaient eux-mêmes ajouté quelques règles à la politesse et qu'ils n'avaient retrouvé " l'esprit ", au sens o˘

ils l'entendaient, que sur leurs vieilles années. Ils jugeaient les modes outrées, les moeurs licencieuses ; ce qui dans leur éducation leur avait été présenté comme vice, ce qu'ils 19

avaient toujours ou refoulé ou dissimulé - l'homosexualité, les drogues, les formes compliquées ou perverses de l'érotisme - la jeunesse en faisait étalage devant eux comme d'amusements presque normaux ; aussi la réprobation des anciens se mêlait d'un peu d'envie. Les récentes oeuvres d'art leur semblaient indignes de ce nom, et les théories nouvelles l'expression de la barbarie.

Ils englobaient le sport dans le même mépris.

En revanche, ils enregistraient avec intérêt les progrès de la science et voyaient, tantôt avec une fierté amusée, tantôt un peu d'agacement, les inventions mécaniques et les progrès techniques envahir leur univers matériel. Mais la cohue, pour eux, tuait le Plaisir, et, regrettant une manière plus calme d'être civilisés, leur manière, ils annonçaient, en enveloppant l'époque d'un regard circulaire, que ce feu d'artifice désordonné

ne durerait pas longtemps et ne finirait pas bien.

On pouvait hausser les épaules ; il y avait pourtant d'autres motifs à leurs jugements que le ressentiment éternel des vieillards. Entre les sociétés de 1910 et de 1920 s'était ouverte une crevasse plus profonde, plus certaine qu'entre la société de 1820 et celle de 1910. Il en était de Paris comme de ces gens dont on dit : " Il a vieilli de dix ans en huit jours. k En quatre ans de guerre, la France avait vieilli d'un siècle, son dernier siècle peut-être de grande civilisation ; et cette fringale de vivre que connaissait Paris était une avidité de poitrinaire.

Une société peut être heureuse tout en portant ses lésions internes le malheur vient après.

Pareillement, une société peut paraître heureuse alors que beaucoup de ses membres souffrent.

Les jeunes gens reportaient sur leurs aînés la responsabilité de tous leurs maux visibles et prévisibles, de leurs difficultés du jour même, des vagues calamités du lendemain.

Les vieillards qui avaient fait ou faisaient encore partie des dix mille s'entendaient accuser de crimes qu'ils n'avaient pas conscience d'avoir commis, d'égoÔsme, de l‚cheté, d'incompréhension, de légèreté, de bellicisme. Or leurs accusateurs, pour leur part, ne semblaient pas témoigner de beaucoup plus de générosité, de conviction, ni de pondération.

quand les vieillards leur en faisaient la remarque, les autres s'écriaient : " Mais c'est vous qui nous avez faits comme cela ! "

Et chaque homme, au foyer même des rayons que Paris émettait, suivait le tunnel de sa propre vie ; le passant, inconscient du grand dôme de clarté sous lequel il marchait et qui était visible à plusieurs lieues à l'entour, ne distinguait devant lui que le trottoir sombre.

II

Poussive, hissant avec peine son bassin énorme, la mère Lachaume gravit l'escalier du métro, émergea dans la cour de la gare.

-Va pas si vite, Simon, dit-elle. Je ne peux pas te suivre.

Je comprends que tu aies h‚te de me voir partir... mais je te demande

de te mettre au pas de mes varices.

Le froid lui marbrait les joues. La paupière affaissée, la lèvre velue, elle lançait devant elle de grands jets de souffle qui se

diluaient, laiteux, dans l'air glacé.

Simon Lachaume posa la valise, essuya ses lunettes.

Autour d'eux, les porteurs en blouse bleue roulaient des chariots, les voyageurs emmitouflés s'affairaient, s'interpellaient, hélaient les taxis. Sur trois files les automobiles se pressaient contre le trottoir, et l'éclairage de la longue verrière faisait scintiller leurs nickels.

-Il m'a fallu attendre mon ‚ge, reprit la vieille femme, pour venir à Paris. Et je crois bien que je n'y reviendrai pas de mon reste de vie. C'est trop fatigant. Tous ces escaliers, chez toi, à l'hôtel, dans le métro, partout... C'est trop pour mes pauvres jambes.

Elle demeurait immobile, massive, au milieu de la foule.

Elle était entièrement vêtue de noir. Noire la robe qui tombait aux chevilles,

noir manteau à peine plus court qui couvrait l'immense corps déformé, noir le fichu entourant les épaules. Les boucles d'oreilles étaient de bois noir. Un chapeau plat, en forme de couronne mortuaire, coiffait ce monument.

Un enfant qu'on traînait par la main contempla, ahuri, la paysanne, trébucha sur des bagages, reçut une claque, se mit à pleurer.

- Allons, maman, il faut avancer, dit Simon Lachaume contenant son exaspération. Prépare ton billet.

Il était plus petit que sa mère, avait des épaules maigres, un trop gros front sur un visage camus.

La mère Lachaume se remit en marche, la poitrine ballottante, la croupe houleuse.

- Si ta femme avait voulu, dit-elle, elle aurait bien pu me coucher chez vous. «a m'aurait évité de la dépense et de la fatigue.

- Mais tu as bien vu, le logement est trop Petit. o˘ aurais-tu voulu...

Oui, oui, je sais bien, j'ai mon idée quand même... Enfin, je dirai au père que tu es heureux, que tu réussis dans ta situation... Je parlerai pas de ta femme... parce que après tout, je l'aime pas, ta femme.

Simon faillit crier : " Mais moi non plus, je ne l'aime pas, et je ne sais pas pourquoi je l'ai épousée !... " Il était coincé dans l'affluence, collé contre sa mère qui bloquait l'accès au

portillon de contrôle. Elle avait retroussé sa robe, fouillait lentement la poche de son jupon pour retrouver son billet. Même dans ses vêtements " de dimanche " elle transportait une odeur de purin et de lait suri.

Ils passèrent enfin sur le quai. La locomotive du train omnibus haletait, noyait de sa vapeur quelques mètres de bitume.

La mère Lachaume s'arrêta en plein milieu de cette blancheur chaude, et dit : ,

-Ce serait d'ailleurs pitié que tu sois pas heureux après tous les sacrifices qu'on a faits pour toi.

-Mais pour la centième fois vous n'avez fait aucun sacrifice s'écria Simon. J'ai passé tous mes examens comme boursier, j'ai crevé de faim. Vous ne m'avez jamais donné un sou... si, quand je suis parti pour le service, le père royalement m'a remis une pièce de cinq francs... c'est tout. Tu ne m'as même pas envoyé un colis pendant toute la guerre...

Est-ce qu'on savait s'ils arrivaient ! Tu aurais pu être mort et que le colis se perde !

Simon secoua son gros front. Sa colère butait contre un obstacle mou, opaque, éternel. Pourquoi répondait-il ? L'odeur de cambouis, de vapeur et de suie que dégageait la machine, le poids de la valise, le piétinement de la foule, la vue de la vieille femme, le sentiment de son propre abaissement à avoir laissé

rebondir une discussion sans raison ni fin, tout s'organisait pour donner à Simon la nausée. Et le froid, qui tout à l'heure l'avait saisi, lui avait mis un cercle autour des tempes...

-Ce que j'en disais, continua la mère Lachaume, ça n'empêche pas qu'on soit fier de toi. C'est justement. quand tu as voulu étudier, tu as eu notre gré. On t'a nourri jusqu'à quatorze ans, on s'est saigné aux veines... tu sais combien c'était une journée d'homme, en ce temps-là : cinquante, cinquante-cinq sous... et puis tu es parti au moment que les enfants commencent à rapporter.

Alors maintenant que te voilà posé, que tu es vêtu mieux que ton père ou moi l'avons jamais été...

Elle promena un regard à la fois de respect et de reproche sur le pardessus de confection que portait son fils, sur le pantalon bleu marine qui commençait à pocher aux genoux.

t‚che de nous envoyer un peu d'argent, si tu peux. «a nous aidera, surtout avec ton pauvre frère à notre charge, dans l'état que tu sais.

-Mais pourquoi me demandes-tu ça? dit Simon. Tu sais parfaitement que je n'arrive pas à joindre les deux bouts ; c'est à peine si je parviendrai à payer l'édition de ma thèse. Et vous avez très suffisamment de quoi vivre. Vous avez plus d'hectares que vous n'en pouvez cultiver, et vous seriez riche si le père n'éwt pas un pareil ivrogne. Alors pourquoi ?... pourquoi cette mendicité ?

La mère Lachaume releva ses paupières flasques, découvrit ses yeux ronds et p‚lis, et Simon crut queue allait laisser éclater une de ces colères de géante qui avaient terrorisé toute son enfance. Mais non, la vieille femme était diminuée par l'‚ge ; elle avait fait sa soumission aux années. Elle ne voulait pas se brouiller avec son

fils.

-On ne se dit plus les mêmes choses avec les mêmes mots, dit-elle en soupirant. On ne se comprend plus... Tu vois, quand tu voulais un métier à rien faire, j'aurais bien préféré que tu sois curé. Tu te serais moins éloigné de nous.

Pour s'empêcher de la haÔr complètement, Simon Lachaume s'efforça de penser qu'il ne la reverrait peut-être jamais. il tenta un geste de bon fils, de fils qui révère sa mère en dépit de tout, et qui l'honore. Il lui présenta le bras pour l'aider à

avancer.

-C' est les dames de la ville à qui on donne le bras, dit-elle. Moi j'ai toujours marché sans aide, et je continuerai bien ainsi jusqu'au cimetière.

Se halant elle-même, les hanches pesantes, elle ne prononça plus un mot jusqu'à ce queue f˚t arrivée à son wagon. Elle gémit pour grimper. Simon l'installa sur la banquette de bois dur, mit la valise dans le filet.

- Il n'y a pas de danger ? demanda la vieille, levant un oeil soupçonneux.

- Non, non.

Elle regarda la pendule sur le quai.

- Encore vingt minutes à attendre, dit-elle.

- Il faut que je parte, dit Simon, je suis déjà en retard.

Il se pencha, fit un simulacre de baiser sur la joue semée de Crins gris.

La mère Lachaume, de ses gros doigts crevassés, saisit le Poignet de son fils.

- Reste pas cinq ans sans venir nous voir, comme la dernière fois, dit-elle, la voix sourde.

Non, dit Simon ; j'irai aux Mureaux dès que je pourrai, c'est promis.

Son poignet était toujours emprisonné.

Et puis, entre-temps, dit encore la vieille, je t'assure, si tu peux nous envoyer quelque chose, si peu que ça soit... ça serait notre preuve que tu penses quand même à nous...

quelquefois.

Elle ne tourna pas le visage vers la vitre pour regarder

'Simon s'éloigner. Attentive à son seul chagrin, elle tira son mouchoir jaune de dessous sa jupe et se tamponna les yeux.




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