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Hervé Bazin. Vipère au poing

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Разработка посвящена Эрве Базену, французскому писателю, участнику движения Сопротивления, президенту Гонкуровской академии.

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«Hervé Bazin. Vipère au poing»

Herve Bazin. Vipere au poing

I. Lisez le texte et répondez aux questions :

1. De quelle famille provient Hervé Bazin ?

2. Comment étaient son enfance et sa jeunesse ?

3. Comment étaient ses premières expériences littéraires ?

4. De quoi s’agit-il dans son roman Vipère au poing ?

5. De quoi témoignent son engagement dans le Mouvement de la paix, sa participation au numéro de la revue La Nouvelle équipe française, son entreprise d’un tour de France des établissements psychiatriques ?

6. Quels ouvrages a-t-il écrits entre 1960 – 1970 ?

7. Quel est le thème central de tous ses romans ?

8. Où se trouvent ses archives ?

9. Qui était Hervé Bazin ?

Hervé Bazin

Hervé Bazin, de son nom de naissance Jean-Pierre Hervé-Bazin, né le 17 avril 1911 à Angers où il est mort le 17 février 1996 (à 84 ans), est un écrivain français.

Hervé Bazin est né au sein d'une famille aisée. Son père, Jacques Hervé-Bazin, est docteur en droit, avocat de profession, et enseigne durant plusieurs années à l'université catholique d'Hanoï, en Indochine. Sa mère, Paule Guilloteaux, est la fille de Jean Guilloteaux, député puis sénateur du Morbihan. Sa grand mère paternelle, Marie Bazin est la sœur du romancier et académicien, René Bazin.

Il passe son enfance à Marans, dans la propriété du Patis, où il s'oppose à sa mère qui était une femme autoritaire et sèche. Il fugue plusieurs fois pendant son adolescence et refuse de passer les examens à la faculté catholique de droit d'Angers qu'on lui a imposée et, l'année de ses vingt ans, il rompt avec sa famille, et part étudier à la faculté de lettres de la Sorbonne (il emprunte la voiture de son père, a un accident, dont il sort amnésique, ce qui le condamne à une longue hospitalisation). Malgré les souvenirs douloureux de son enfance, il reste toute sa vie très attaché à sa région natale où il situe bon nombre de ses romans.

En parallèle à ses études, il exerce de nombreux petits métiers et écrit de la poésie, une première quinzaine d'années, sans éclats. À noter tout de même la création d'une revue poétique en 1946, La Coquille (huit volumes seulement), et l'obtention du prix Apollinaire pour Jour, son premier recueil de poèmes, suivi d'À la poursuite d'Iris en 1948.

Sur le conseil de Paul Valéry, il se détourne de la poésie pour se consacrer à la prose.

Les rapports conflictuels qu'il a eu avec sa mère pendant son enfance lui inspirent le roman Vipère au poing en 1948. Y est narrée la relation de haine entre Folcoche (contraction de « folle » et « cochonne »), mère sèche et cruelle constamment à la recherche de nouveaux moyens de brimade (par exemple, l'histoire de la fourchette), et ses enfants dont le narrateur est Jean Rezeau, surnommé Brasse-Bouillon. Maurice Nadeau apprécie ces « Atrides en gilet de flanelle », selon l'expression d'Hervé Bazin. Ce roman connaît un immense succès après-guerre et est suivi de nombreux autres qui décrivent, avec un certain naturalisme et un art du portrait psychologique, les mœurs de son époque. D'autres romans ont comme héros les personnages de Vipère au poing, La Mort du petit cheval et Cri de la chouette.

En 1949, il s'engage dans le Mouvement de la paix, un mouvement d'extrême gauche qu'il rejoint pour s'opposer à sa famille qui est de la droite bourgeoise et conservatrice

En 1950, il participe avec d’autres écrivains comme Marcelle Auclair, Jacques Audiberti, Émile Danoën, Maurice Druon et André Maurois, au numéro de la revue La Nouvelle équipe française de Lucie Faure, intitulé « L’Amour est à réinventer ».

En 1954 il veut témoigner, suite à sa propre expérience personnelle, de l'état déplorable des établissements psychiatriques (qui pour lui n'avaient pas changé depuis ses démêlés familiaux de 1940), et entreprend un tour de France de ces hôpitaux (entre autres l'hospice Pasteur à Poitiers), accompagné du photographe Jean-Philippe Charbonnier, enquête qui sera publiée dans la revue Réalités de janvier 1955.

En 1957, il obtient le grand prix de littérature de Monaco.

De 1959 à 1960, Hervé Bazin réside à Anetz dans la maison de l'Emeronce avec une vue imprenable sur la Loire et la rive opposée située en Anjou. C'est en ce lieu qu'il écrira son roman Au nom du fils.

Membre de l'Académie Goncourt en 1960, il est élu au couvert de Francis Carco. Il en devient président en 1973. Jorge Semprún lui succède, tandis que la présidence est confiée à François Nourissier.

En 1970, il publie Les Bienheureux de La Désolation, récit racontant l'histoire vraie des 264 habitants de l'Île Tristan da Cunha, aussi nommée « île de la Désolation », rapatriés en Angleterre à la suite de l'éruption du volcan en 1961. Le roman relate le choc des cultures qui attendait les habitants de Tristan à leur arrivée en Angleterre.

Hervé Bazin passe les dernières années de sa vie à Cunault sur les bords de la Loire. Il est incinéré comme il l'avait souhaité et ses cendres sont dispersées sur la Maine. Une pierre tombale, portant son nom et les années 1911-1996, est visible au cimetière de Cunault.

Hervé Bazin est considéré comme « un romancier de la famille », thème central de tous ses romans. Sa vision de la famille traditionnelle y est toutefois très négative et destructrice, conformément à ses idées personnelles. Il a écrit également des nouvelles et des essais, comme Ce que je crois en 1977.

Politiquement, Hervé Bazin a appartenu au Mouvement de la Paix, en relation avec le parti communiste dont il était proche. Il a d'ailleurs soutenu en France les époux Rosenberg durant leur procès. Il obtint le prix Lénine de littérature en 1980, ce qui fit dire plaisamment à Roger Peyrefitte : « Hervé Bazin avait deux prix qui faisaient pendant : le prix Lénine de la Paix et le prix de l'humour noir»

En 1995, au cours d'un déménagement, Hervé Bazin avait déposé ses manuscrits et sa correspondance aux archives municipales de la ville de Nancy, déjà en possession du fonds des frères Goncourt, originaires de la ville. Après sa mort, suite à un imbroglio juridique, les six enfants de ses premiers mariages ont obtenu, contre l'avis de sa dernière épouse et de son dernier fils (10 ans), la vente de ce fonds à l'hôtel Drouot, le 29 octobre 2004. Aidée par les collectivités locales, la bibliothèque universitaire d'Angers a réussi à préempter la quasi-totalité de ce patrimoine, soit 22 manuscrits et près de 9 000 lettres, remis à la disposition des chercheurs. Il manque celui de Vipère au poing, vendu par l'auteur dans les années 1960, et celui des Bienheureux de la désolation, recueilli par son fils Dominique le jour de la vente.

II. Lisez les textes et répondez aux questions :

1. Où et quand se déroule l’action de ce roman ?

2. Quel est le sujet du roman ?

3. Quels sont les problèmes essentiels qui y sont soulevés ?

4. Qui sont les personnages du roman ?


Vipère au poing

Résumé  

Vipère au poing est un roman largement autobiographique d'Hervé Bazin, publié en 1948. 
Le livre relate l'enfance et l'adolescence du narrateur, Jean Rezeau, dit Brasse-Bouillon, et détaille ses rapports avec sa mère, dite Folcoche. Celle-ci avait été séparée de ses enfants en bas-âge pour mauvais traitement présumé, et ne les retrouve qu'à la mort de la grand-mère qui les élevait jusque-là. 
S'ensuit un fascinant huis-clos entre la mère indigne, les trois enfants martyrisés, le père démissionnaire et un précepteur changeant. 

Ce roman, écrit dans un français exemplaire, est étudié par les collégiens français et reste une référence sur l'enfance difficile.

Il est suivi de La Mort du petit cheval, qui relate le passage à l'âge adulte du héros et sa transformation par l'amour et la paternité, puis Cri de la chouette, qui voit, vingt ans après, l'arrivée de Folcoche dans la famille recomposée de Jean et les troubles que provoquent son affection tardive et maladroite pour sa belle-fille. 

Il a fait l'objet de plusieurs adaptations. La dernière, au cinéma, a été réalisée en 2004 par Philippe de Broca : Vipère au poing.

Les personnages :

- Jacques Rezeau 

C’est un homme complètement perdu dans son époque. Il n’évolue pas avec son temps, sans être un imbécile pour autant. Il est, tout simplement, victime des préjugés de classe très courants en ce temps là…Ecoutez ce qu’en pense Jean : « …pour un Rezeau, le travail salarié n’apparaît pas comme tellement honorable. Il n’y a que les petites gens qui sont obligés de travailler pour vivre. » Et le grand-oncle écrivain ?... Qu’en pense Jean ?... « Le retour à la terre, le retour de l’Alsace, le retour aux tourelles, le retour à la foi, l’éternel retour ! »

Monsieur Rezeau est aussi terriblement lâche et a une peur sans nom de sa femme. Il laisse donc faire et a pris le parti de ne rien voir. Jean est sans pitié quand il lui dit : 

« Excusez-moi d’être franc, papa. Mais vous vous montrez bien jaloux d’une autorité que vous n’exercez guère. » 

- Madame Rezeau dite « Folcoche » 

Elle est l’héroïne de ce livre au même titre que Jean. Elle est tout, sauf une mère dans le sens que nous sommes habitués à donner à ce mot. Elle est méchante et même cruelle. C’est une véritable haine qu’elle ressent pour ses deux aînés. Et pourtant elle va reconnaître que Jean est le seul à avoir du courage, le seul à lui ressembler et elle estime même qu’il tient entièrement d’elle. Et Jean lui-même se demande « Quels sont du reste les qualités et surtout les défauts que je ne tienne pas d’elle ? » Et il poursuit : « Ce que tu tentes, je l’aurais tenté… » 

Mais Folcoche, avec le temps, ne peut que perdre contre un garçon qui va grandir et forcir… Terminons par cette terrible phrase de Jean à son propos : « Outre ses enfants, je ne lui connaîtrai que deux ennemis : les mites et les épinards. » 

- Frédie dit « Chife »

Il est décrit très bien et très vite par Jean : « L’héritier présomptif tenait de mon père tous ses traits essentiels. Chiffe ! Inutile d’aller plus loin. Ce surnom lui conviendra toujours. » 

Son comportement sera toujours conforme à cette description. 

- Marcel dit « Cropette » 

Le petit dernier qui ne saura jamais bien où aller. Il naviguera donc selon les circonstances avec une tendance à se mettre du côté maternel. A sa décharge, il convient cependant de mettre le fait qu’il n’a jamais été élevé avec ses frères avant son arrivée à la Belle Angerie.

- Jean dit « Brasse-Bouillon »

Il est le seul véritable rebelle dans cette histoire. Le seul à oser s’opposer ouvertement à Folcoche. Il en arrive même à ce qu’elle lui manque quand elle ne les accompagne pas. Il aime cette guerre constante, il aime la haine qu’elle lui a apprise et dès qu’elle n’est plus là, la vie lui semble fade, sans sel.


L'histoire : 

Toute l’histoire de ce livre tourne autour de cinq personnages. Nous pouvons les diviser en deux clans : d’un côté les parents avec la mère, surnommée « Folcoche » , et le père, Jacques Rezeau. De l’autre les trois enfants : Frédie, surnommé « Chiffe » , Jean surnommé « Brasse-Bouillon » et le plus jeune Marcel, surnommé « Cropette » . 

La famille Rezeau vit près d’Angers sur le domaine familial de « La Belle Angerie » Elle se prétend des droits à d’illustres ancêtres et compte un membre qui est grand écrivain et fait partie de l’Académie française, ainsi qu’un autre qui est membre du clergé sous le titre de protonotaire. Comme elle est désargentée, Jacques Rezeau a épousé une fille de banquier breton, mais il n’en profitera pas dans sa vie de tous les jours vu que la dote a été largement entamée par les dévaluations.

Au début de notre histoire, Frédie et Jean sont éduqués par leur grand-mère, le père est enseignant en Chine, où est né Marcel qui, lui, vit là-bas avec ses parents. Il restera toujours le favori de Folcoche. Mais la grand-mère décède et tous les trois doivent rentrer.

Les retrouvailles débuteront déjà très fort quand, encore à la gare, Folcoche gratifiera Jean d’une belle gifle sous l’horrible prétexte qu’il serait dans son chemin… L’ambiance est donnée ! Arrivée à la « Belle Angerie » elle va de suite camper le nouveau mode de vie de la maison. Les trois garçons auront le crâne rasé (elle les tondra avec la vieille tondeuse qui servait pour l’âne) , dormiront séparément et sans chauffage, levés à cinq heures du matin, ils assisteront tous les jours à une messe et ne porteront plus que des sabots, les chaussures coûtant trop cher. Elle supprime aussi les oreillers (ils arrondiraient le dos…) ainsi que les édredons. La nourriture sera des plus frugales et une discipline de fer va s’abattre sur eux. 

Celle-ci ira tellement loin que Folcoche verra plusieurs précepteurs la quitter et un qui ira jusqu’à signaler son comportement à l’évêché ! Monsieur Rezeau ferme les yeux, ayant bien trop peur de sa femme, et se réfugie dans sa passion pour l’étude entomologique sur les syrphidés (famille d’insectes capables de voler sur place).

Mais voilà qu’un jour, il va se révolter brutalement contre sa femme et cela devant les enfants. Folcoche, folle de rage, se taira mais, à peine seule avec les garçons, elle va les ruer tous de coups. Seul Jean va se défendre et lui donnera des coups de pieds dans les tibias. Il n’en sera que plus battu, mais, le soir à table, Monsieur Rezeau fera semblant de ne rien voir. Il n’empêche, voici la première révolte ouverte d’un des garçons. 

Folcoche trouve n’importe quels prétextes pour imposer de nouvelles brimades et les garçons en sont à leur septième précepteur. La haine déborde dans cette maison et cette ambiance est très difficile à supporter. « Affirmer son autorité chaque jour par une nouvelle vexation devint la seule joie de Mme Rezeau. Elle sut nous tenir en haleine, nous observer, remarquer et détruire nos moindres plaisirs. »

La domination totale de Folcoche va être attaquée une première fois lorsqu’elle devra être opérée pour une maladie de foie. Son séjour en clinique sera plus long que prévu et elle retrouvera ses fils moins coincés à table, les cheveux non rasés et autorisés à sortir du périmètre étroit du jardin. Elle n’osera pas attaquer Monsieur Rezeau de face et trouvera d’autres vexations.

Quelques semaines plus tard, Monsieur Rezeau voudra rendre visite à quelques personnes et courir des maisons communales à la recherche de membres qu’il espère importants pour son arbre généalogique. Avec l’accord de Folcoche il emmènera Frédie et Jean. Ceux-ci vont découvrir le petit déjeuner au lit, le chocolat chaud, la couette et bien d’autres merveilles avec l’assentiment de leur père tout à fait détendu par l’absence de sa femme. Une carte de Folcoche va pourtant assombrir ce petit voyage : elle a découvert la cachette secrète de Frédie où les enfants gardaient leur trésor de nourriture et d’argent gagnés avec des gens des environs. 
Frédie sera enfermé un mois dans sa chambre, sans aucun contact autorisé, et privé de dessert pendant la même période. Là, la guerre entre Folcoche et Jean va devenir totale ! Il se montrera machiavélique, à l’image de sa mère, et divisera pour régner. Son but est d’obtenir de son père la levée de cette punition qu’il estime totalement excessive. Il finira par l’obtenir, son père profitant de la Saint-Jacques pour lever toutes les punitions. Il le supplie également de les envoyer en pension, mais Monsieur Rezeau répond que cela est impossible, car il n’en a pas les moyens financiers, dit-il. 

Folcoche se sentant attaquée va se déchaîner tant et plus dans les semaines qui suivent. Elle fera des trous dans les chemises de Jean aux ciseaux et il répondra en abîmant les plus beaux timbres de la collection de Folcoche. Naît alors dans l’esprit des deux aînés l’idée d’assassiner leur mère. Une première tentative sera réalisée avec de la belladone, médicament dont Folcoche doit prendre vingt gouttes par jour. Ils en mettent cent dans son verre, mais elle est trop habituée à ce produit et cette tentative se solde par une terrible colique. Une seconde tentative sera réalisée en la faisant, soit disant involontairement, tomber à l’eau tout en étant, tout aussi soit-disant, incapables de l’aider à en sortir. Mais là aussi ils vont échouer… 

Folcoche se venge et ordonne au précepteur de fouetter Jean. Celui-ci se barricade dans sa chambre et finit par s’enfuir de la maison. Avec le peu d’argent qu’il est arrivé à cacher, il file en train à Paris, chez les Pluvignec, parents de Folcoche. Il n’y sera pas trop mal reçu, malgré le fait qu’il dérange un peu les habitudes. Son père viendra le reprendre. Comme le dit Jean, la guerre civile va couver à la Belle Angerie… Mais il s’en fout, car il estime être devenu le plus fort. Il a grandi, est le plus jeune et la dominera donc de plus en plus.

En effet, toute cette histoire va se terminer à son avantage. Folcoche va tenter de le faire accuser du vol de son portefeuille qu’elle a caché, au préalable, dans sa chambre à lui. Elle est alors certaine d’obtenir son envoi en maison de redressement. Mais il l’a vu faire et la confond. C’est lui qui arrivera à obtenir de Folcoche, folle de rage, qu’elle impose à son père de les envoyer tous les trois en pension. Elle est vaincue !

III. Lisez le fragment du roman et répondez aux questions :

1. Où et quand se déroule l’action de cet extrait ?

2. Quels sont les problèmes qui y sont soulevés ?

3. Quel petit miracle a eu lieu avec le petit héros du chapitre ?

4. Pourquoi cette scène terrible est décrite tellement pittoresque, avec tant de détails ?

5. Qu’est-ce qui a arrêté le jeu du garçon ?

6. Qu’est-ce qui a déchiré ses premières réflexions scientifiques ?

7. Comment se sentait le garçon ?

8. Quels sentiments éprouvaient ses proches ? Comment étaient leurs actions ?

9. Comment était le siège social de la famille Rezeau ? Comment étaient ses conforts ?

10. Comment était ladite région ?

11. Qu’est-ce qu’on peu dire des hommes de cette région ?

12. Comment était la famille Rezeau ?

13. Qui étaient les ancêtres du narrateur ? son père et sa mère ? ses frères ?

14. Qu’est-ce qui s’est passé en 1922 ?

15. Quels détails de la vie de Jean y sont racontés ?

16. Qu’est-ce que Jean a fait étant pénétré de remords et de contrition parfaite ?

17. Donnez les caractéristiques des personnages de ces chapitres.

18. Quels détails ou faits ont une grande valeur dans la narration ?



Vipere au poing

I

L'été craonnais, doux mais ferme, réchauffait ce bronze impeccablement lové sur lui-même : trois spires de vipère à tenter l'orfèvre, moins les saphirs classiques des yeux, car, heureusement pour moi, cette vipère, elle dormait.

Elle dormait trop, sans doute affaiblie par l'âge ou fatiguée par une indigestion de crapauds. Hercule au berceau étouffant les reptiles : voilà un mythe expliqué ! Je fis comme il a dû faire : je saisis la bête par le cou, vivement. Oui, par le cou et, ceci, par le plus grand des hasards. Un petit miracle en somme et qui devait faire long feu dans les saints propos de la famille.

Je saisis la vipère par le cou, exactement au-dessus de la tête, et je serrai, voilà tout. Cette détente brusque, en ressort de montre qui saute hors du boîtier — et le boîtier, pour ma vipère, s'appelait la vie —, ce réflexe désespéré pour la première et pour la dernière fois en retard d'une seconde, ces enroulements, ces déroulements, ces enroulements froids autour de mon poignet, rien ne me fit lâcher prise. Par bonheur, une tête de vipère, c'est triangulaire (comme Dieu, son vieil ennemi) et montée sur cou mince, où la main peut se caler. Par bonheur, une peau de vipère, c'est rugueux, sec d'écaillés, privé de la viscosité défensive de l'anguille. Je serrais de plus en plus fort, nullement inquiet, mais intrigué par ce frénétique réveil d'un objet apparemment si calme, si digne de figurer parmi les jouets de tout repos. Je serrais. Une poigne rose de bambin vaut un étau. Et, ce faisant, pour la mieux considérer et m'instruire, je rapprochais la vipère de mon nez, très près, tout près, mais, rassurez-vous, à un nombre de millimètres suffisant pour que fût refusée leur dernière chance à des crochets tout suintants de rage.

Elle avait de jolis yeux, vous savez, cette vipère, non pas des yeux de saphir comme les vipères de bracelets, je le répète, mais des yeux de topaze brûlée, piqués noir au centre et tout pétillants d'une lumière que je saurais plus tard s'appeler la haine et que je retrouverais dans les prunelles de Folcoche, je veux dire de ma mère, avec, en moins, l'envie de jouer (et, encore, cette restriction n'est-elle pas très sûre !).

Elle avait aussi de minuscules trous de nez, ma vipère, et une gueule étonnante, béante, en corolle d'orchidée, avec, au centre, la fameuse langue bifide — une pointe pour Ève, une pointe pour Adam —, la fameuse langue qui ressemble tout bonnement à une fourchette à escargots.

Je serrais, je vous le redis. C'est très important. C'était aussi très important pour la vipère. Je serrais, et la vie se fatiguait en elle, s'amollissait, se laissait tomber au bout de mon poing en flasque bâton de Moïse. Des sursauts, bien sûr, elle en avait, mais de plus en plus espacés, d'abord en spirale, puis en crosse d'évêque, puis en point d'interrogation. Je serrais toujours. Enfin, le dernier point-d'interrogation devint un point d'exclamation, lisse, définitif et ne frémissant même plus de la pointe. Les topazes s'éteignirent, à moitié recouvertes par deux morceaux de taffetas  bleuâtres. La vipère, ma vipère, était morte ou, plus exactement, pour moi, l'enfant, elle était retournée à l'état de bronze où je l'avais trouvée quelques minutes auparavant, au pied du troisième platane de l'allée du pont.

Je jouai vingt minutes avec elle, la disposant à ma fantaisie, tripotant, maniant ce corps sans membres d'infirme parfait. Rien n'est si bien mort qu'un serpent mort. Très vite, elle perdit toute allure, cette loque, elle perdit tout métal. Elle s'obstinait à me montrer cette couleur trop claire du ventre, que, par prudence, toutes les bêtes dissimulent jusqu'à la mort — ou jusqu'à l'amour.

J'étais en train de la nouer autour de ma cheville, quand retentit la cloche de La Belle Angerie sonnant pour les confitures. Il s'agissait ce jour-là d'achever un pot de mirabelles, un peu moisies par quatre ans de buffet, mais bien plus avantageuses que ces gelées de groseilles qui se laissent odieusement gratter sur les tartines. Je sautai sur mes pieds sales, sans oublier ma vipère, que je pris cette fois par la queue et à qui j'imprimai un joli mouvement de balancier.

Mais, soudain, un hurlement déchira mes premières réflexions scientifiques et, de la fenêtre de la peu courageuse Mlle Ernestine Lion, tomba cet ordre épouvanté :

—Voulez-vous lâcher cela tout de suite ! Puis, en crescendo tragique :

—Ah ! le malheureux enfant !

Je restai perplexe. Quel drame ! Appels, exclamations entre croisés, affolement de talons par les escaliers. " Madame ! Monsieur l'abbé ! Par ici ! " Où sont les autres ? Aboiement de Capi, le chien (nous avons déjà lu Sans famille). Cloches. Enfin grand-mère, aussi blanche que sa guimpe, poussant du bout de sa bottine son éternelle longue robe grise, jaillit de la porte d'honneur. En même temps surgissaient de la bibliothèque, aile droite, la tante Thérèse Bartolomi, comtesse de l'Empire, puis mon on

oncle le protonotaire apostolique et, de la lingerie, aile gauche, la gouvernante, la cuisinière, la femme de chambre... Toute la famille et ses satellites débouchaient des innombrables issues de La Belle Angerie, cette grande garenne.

Prudente, à la vérité, la famille ! et formant cercle aussitôt, à bonne distance de la vipère, qui tournoyait toujours au bout de mes doigts et à qui le mouvement prêtait une suprême apparence de vie.

TANTE THERESE. — est-elle morte ?

LA BONNE. — J'espère que c'est une couleuvre.

LA GOUVERNANTE. — N'approchez pas, Frédie !

LA CUISINIERE, sourde et muette. — Krrrrrhh !

L'ABBE. — Je te promets une de ces fessées...

GRAND-MERE. — Voyons, mon chéri, lâche cette horreur !

Impavide, glorieux, je tendis mon trophée à l'oncle protonotaire, qui, professionnellement ennemi des reptiles, recula d'un bon mètre. Chacun l'imita. Mais grand-mère, plus brave, parce que, n'est-ce pas, c'était grand-mère, s'approcha et, d'un brusque coup de face-à-main, me fit lâcher le serpent, qui tomba, inerte, sur le perron et que mon oncle, rassuré, se mit à retuer, martialement, à grands coups de talon, comme saint Michel, son patron.

Cependant, tout danger écarté, j'avais été déshabillé en un clin d'oeil par huit mains féminines, examiné des cheveux aux orteils, reconnu miraculeusement indemne de toute morsure. On me remit vivement une chemise, parce qu'il n'est pas décent qu'un Rezeau, même si jeune, reste nu devant des domestiques. Se détournant d'une bouillie de vipère, mon oncle s'approcha, raide comme la justice, les deux mains en balance de chaque côté de la soutane.

— Ce petit imbécile a-t-il été piqué ?

— Non, Michel.

— Remercions Dieu, ma mère.

Pater, Ave. Un petit ex-voto fut accroché dans le silence. Puis le protonotaire apostolique s'empara de moi, me jeta en travers de ses genoux et, les yeux au ciel, me fessa méthodiquement.

II

 

La "Belle Angerie ?" Un nom splendide pour séraphins déchus, pour mystiques à la petite semaine. Disons tout de suite qu'il s'agit d'une déformation flatteuse de la " Boulangerie ". Mais ajoutons que " l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ", et l'altération du toponyme se trouvera justifiée, car je vous jure que, Boulangerieou Belle Angerie, on y a toujours fabriqué du pain azyme.

Plus prosaïquement, la Belle Angerie est le siège social, depuis plus de deux cents ans, de la famille Rezeau. Cet ensemble de constructions, parti sans doute d'un fournil, est arrivé à faire figure de manoir. Sauvée de l'incohérence, sinon de la prétention, par une façade à qui toute logique intérieure a été sacrifiée, La Belle Angerie est très exactement le prototype des faux châteaux chers à la vieille bourgeoisie. Au même degré que les congrégations de nonnes, les vieilles familles craonnaises ont le vice de la truelle. Nos paysans, proches parents des paysans bretons, se contentent d'élargir leur pré carré quand ils le peuvent. Les plus riches d'entre eux iront jusqu'à se payer une étable de bonne pierre, matériau rare dans la région et qui doit être amené à grands frais de Bécon-les-Carrières. Mais les bourgeois semblent avoir besoin d'un nombre de pièces inutiles proportionnel à celui des hectares sur lesquels s'étend la domination de leurs redevances et de leurs chasses.

La Belle Angerie? Trente-deux pièces, toutes meublées, sans compter la chapelle, sans compter les deux nobles tourelles, où sont dissimulés les cabinets d'aisances, sans compter cette immense serre, stupidement orientée au nord, de telle sorte que les lauriers-roses y crèvent régulièrement chaque hiver, sans compter la fermette annexe du jardinier, les écuries, qui deviendront garage, les communs divers, les cabanes élevées un peu partout dans le parc et toutes dédiées à quelque saint frileusement recroquevillé dans sa niche et servant de relais aux jours de Rogations... J'oublie deux ou trois pigeonniers depuis longtemps abandonnés aux moineaux, trois puits comblés, mais toujours chapeautés d'ardoise taillée, deux ponts solennels jetés sur le filet d'eau qui s'appelle l'Ommée, quelques passerelles et une trentaine de bancs de pierre ou de bois, répandus çà et là dans le parc, afin que s'y répande éventuellement la distinguée fatigue du maître.

Ce confort des fesses est d'ailleurs à La Belle Angerie le seul dont on jouisse. Téléphone, chauffage central, des mythes ! Le simple " E. G. E. " des petites annonces locatives est ici totalement inconnu. L'eau, à cent mètres, se tire d'un puits douteux, aux margelles fleuries d'escargots. Hormis le salon, dont le parquet, posé directement sur le sol, est à remplacer tous les dix ans, toutes les pièces sont pavées de carreaux de terre cuite. Je dis " pavées ", car ces carreaux ne sont même pas jointifs. Qui pis est, les cuisines n'ont droit qu'à l'ardoise de Noyant-la-Gravoyère, en plaques, vaguement cimentées de terre battue. Peu de poêles, mais d'immenses cheminées à chenets de fonte. Ajoutez à cela des communications défaillantes par chemins vicinaux encombrés de trognons de choux, un ravitaillement purement local, donc paysan, un climat parfaitement défini par la vieille devise des seigneurs du lieu, les Soledot : " Luis, mon soleil d'eau ! ", et vous estimerez comme moi, sans doute, que notre Belle Angerie n'est habitable qu'en été, lorsque les marais de l'Ommée fument au soleil, puis se dessèchent, forment croûte, se craquellent en forme de dalles, où se hasarde le pas léger des gamins en quête d'œufs d'effarvatte,

Ma grand-mère le comprenait ainsi, qui déménageait deux fois par an, à jour fixe, et n'oubliait jamais d'emporter avec elle le piano, la machine à coudre et la batterie de cuisine de cuivre rouge, qui n'existaient point en double. Cependant, nous devions, plus tard, habiter la Maison (grand M) toute l'année et nous en contenter, comme se contentent des leurs, en tous points analogues à la nôtre, les hobereaux de la région.

Ladite région, à l'époque où commence mon récit, c'est-à-dire il y a environ vingt-cinq ans, était du reste beaucoup plus arriérée que maintenant. Probablement la plus arriérée de France. Aux confins des trois provinces du Maine, de la Bretagne et de l'Anjou, ce coin de terre glaise n'a pas de nom défini, pas de grande histoire, sauf peut-être sous la Révolution. Craonnais, Segréen, Bocage angevin, vous pouvez choisir entre ces termes. Trois départements se partagent cette ancienne marche frontière entre pays de grande et de petite gabelle, abrutie durant des siècles par une surveillance et une répression féroces. Chemin de la Faul-saunière, ferme de Rouge-Sel, domaine des Sept-Pendus, les noms sinistres demeurent. Nul pittoresque. Des prés bas, rongés de carex, des chemins creux qui exigent le chariot à roues géantes, d'innombrables haies vives qui font de la campagne un épineux damier, des pommiers à cidre encombrés de gui, quelques landes à genêts et, surtout, mille et une mares, asiles de légendes mouillées, de couleuvres d'eau et d'incessantes grenouilles. Un paradis terrestre pour la bécassine, le lapin et la chouette.

Mais pas pour les hommes. De race chétive, très " Gaulois dégénérés ", cagneux, souvent tuberculeux, décimés par le cancer, les indigènes conservent la moustache tombante, la coiffe à ruban bleu, le goût des soupes épaisses comme un mortier, une grande soumission envers la cure et le château, une méfiance de corbeaux, une ténacité de chiendent, quelque faiblesse pour l'eau-de-vie de prunelle et surtout pour le poiré. Presque tous sont métayers, sur la même terre, de père en fils. Serfs dans l'âme, ils envoient à la Chambre une demi-douzaine de vicomtes républicains et, aux écoles chrétiennes, cette autre demi-douzaine d'enfants, qui deviennent, en grandissant, des bicards et des valets qui ne se paient point.

Dans ce cadre, très piqué des vers, ont vécu nos vieilles gloires, aujourd'hui abolies au même titre que les bonnets de nuit. J'appartiens, achevez de l'apprendre, à la célèbre famille Rezeau. Célèbre, évidemment, dans un rayon qui n'est pas celui de la planète, mais qui a dépassé celui du département. Dans tout l'Ouest, notre carte de visite, gravée si possible, reste en évidence sur les plateaux de cuivre. La bourgeoisie nous jalouse. La noblesse nous reçoit et même parfois nous donne une de ses filles, à moins qu'elle n'achète une des nôtres. (A vrai dire, emporté par un reste d'humide fierté, j'ai oublié de mettre cette phrase à l'imparfait.)

La petite histoire ne vous a sans doute pas dit que Claude Rezeau, capitaine vendéen, entra le premier aux Ponts-de-Cé, lors de l'avance éphémère de l'armée catholique et royale. (On chante depuis : " catholique et français ".) Le nom de Ferdinand Rezeau, d'abord secrétaire du prétendant, puis député conservateur de " leur " république, ne doit pas non plus hanter votre mémoire. Mais René Rezeau ? Qui ne connaît René Rezeau, ce petit homme moustachu qui brandit à bout de bras le chapeau de l'arrière-garde bournisienne, ce génie largement répandu dans les distributions de prix des écoles chrétiennes ? Tenez-vous bien et respectez-moi, car c'est mon grand-oncle. Le retour à la terre, le retour de l'Alsace, le retour aux tourelles, le retour à la foi, l'éternel retour ! Non, vous n'avez pas oublié ce programme. C'est lui " la brosse à reluire de la famille ", c'est lui le grand homme, né trop tard pour s'engager dans les zouaves pontificaux, mort trop tôt pour connaître les saints triomphes du M. R. P., mais glorieusement à cheval sur tous les grands dadas de l'entre-trois-guerres. C'est lui, commandeur de Saint-Grégoire et signataire d'excellents contrats d'éditions pieuses, qui sut asseoir la renommée des Rezeau jusque dans ce fauteuil de l'Académie française, où il se cala les fesses durant près de trente ans. Et je n'ai point besoin de vous rappeler que sa mort, survenue en 1932, après ce lent martyre de vessie qui lui conféra sa dernière auréole, fut l'occasion d'un grand défilé de bien-pensants consternés, sous une pluie battante de postillons et d'eau bénite.

Ce héros avait un frère, qui fut mon grand-père, et mon grand-père, comme tout le monde, avait une femme répondant au nom évangélique de Marie. Il lui fit onze enfants, dont huit survécurent à leur éducation chrétienne. Il lui fit onze enfants parce que les premiers furent six filles, dont quatre devaient embrasser l'état religieux (elles ont choisi la meilleure part) et qu'il fallait un fils pour perpétuer le nom et les armes bien que celles-ci fussent roturières. Mon père arriva, bon septième, qui reçut le nom de l'apôtre Jacques (celui des deux qui est devenu collaborateur en compromettant sa fête avec la Saint-Philippe). Et mon vénérable grand-père, après cette naissance d'un héritier enfin mâle, ne voulut point mourir avant d'avoir fait encore quatre enfants à Marie, ma grand-mère, et s'être ainsi rendu digne d'offrir à Dieu un futur chanoine, en la- personne de Michel Rezeau, son benjamin, aujourd'hui protonotaire apostolique... Amen.

Le hasard donc, le même hasard qui fait que l'on naît roi ou pomme de terre, que l'on tire une chance sur deux milliards à la loterie sociale, ce hasard a voulu que je naisse Rezeau, sur l'extrême branche d'un arbre généalogique épuisé, d'un olivier Stérile complanté dans les derniers jardins de la foi. Le hasard a voulu que j'aie une mère...

Mais n'anticipons pas. Sachez seulement qu'en 1913 Jacques Rezeau, mon père, docteur en droit, professeur à l'Université catholique (situation non lucrative, comme il sied), avait épousé la forte riche demoiselle Paule Pluvignec, petite-fille du banquier de ce nom, fille du sénateur du même nom, sœur du lieutenant de cuirassiers du même nom, mort depuis au champ d'honneur (ce qui lui permit de doubler " ses espérances "). Elle avait trois cent mille francs de dot. Trois cent mille francs-or. Elle avait été élevée, vacances comprises, dans un pensionnat de Vannes, d'où elle ne sortit que pour épouser le premier homme venu, du reste choisi par ses parents, trop répandus dans le monde et dans la politique pour s'occuper de cette enfant sournoise. Je ne sais rien d'autre de sa jeunesse, qui n'excuse pas la nôtre. Mon père, qui avait aimé une petite camarade protestante (mais René Rezeau veillait !), épousa cette dot qui lui permit de faire figure de nabab jusqu'à la dévaluation de M. Poincaré. De cette union, rendue indispensable par la pauvreté des Rezeau, devaient naître successivement Ferdinand, que vous nommerez Frédie ou Chiffe, Jean, c'est-à-dire moi-même, que vous appellerez comme vous voudrez, mais qui vous cassera la gueule si vous ressuscitez pour lui le sobriquet de Brasse-Bouillon, enfin Marcel, alias Cropette. Suivirent, m'a-t-on dit, quelques fausses couches involontaires, auxquelles je ne pense pas sans une certaine jalousie, car leurs produits ont eu la chance, eux, de ne pas dépasser le Stade de fœtus Rezeau.

En cet an de grâce 1922, où j'étouffais les vipères, nous étions, Frédie et moi, confiés à la garde de notre grand-mère. Confiés... le mot est un euphémisme ! L'intervention énergique de cette grand-mère, que nous n'avions pas le droit d'appeler mémé, mais qui avait le cœur de ce diminutif plébéien, nous avait sauvés de sévices inconnus, mais certainement graves. J'imagine les biberons additionnés d'eau sale, les couches pourries, les braillements jamais bercés... Je ne sais rien de précis. Mais on ne retire pas ses enfants à une jeune femme sans motifs graves.

Notre dernier frère, Marcel, ne faisait point partie du lot attribué à la belle-mère. Il était né en Chine, à Changhaï, où M. Rezeau s'était fait nommer professeur de Droit international à l'Université catholique de l'Aurore.

Ainsi séparés, nous vivions un bonheur provisoire, entrecoupé de privations de dessert, de fessées et de grands élans mystiques.

Car, je tiens à le dire, de quatre à huit ans, j'étais un saint. On ne vit pas impunément dans l'antichambre du ciel, entre un abbé réformé du service divin pour tuberculose pulmonaire, un écrivain spécialisé dans le style édifiant, une grand-mère adorablement sévère sur le chapitre de l'histoire sainte et des tas de cousins ou de tantes, plus ou moins membres de tiers ordres, nuls en math, mais prodigieusement calés dans la comptabilité en partie double des indulgences (reportons notre crédit d'invocations au débit des âmes du purgatoire, pour que ces nouveaux élus nous remboursent sous forme d'intercessions).

J'étais un saint ! Je me souviens d'une certaine ficelle... Tant pis pour moi ! Affrontons le ridicule. II faut bien que vous puissiez renifler l'odeur de ma sainteté, dans laquelle, toutefois, je ne suis pas mort.

Cette ficelle provenait d'une boîte de chocolats. Ces chocolats n'étaient pas empoisonnés, bien qu'ils eussent été envoyés par Mme Pluvignec — il paraît qu'il faut dire aussi " grand-mère " —, l'encore belle sénatrice du Morbihan. Ces chocolats faisaient partie du protocole sentimental de Mme Pluvignec et nous parvenaient régulièrement trois fois par an : le premier janvier, à Pâques et lors de l'anniversaire de chacun de nous. J'avais le droit d'en manger deux par jour, l'un le matin, l'autre le soir, après avoir fait le signe de croix réglementaire.

Je ne savais pas exactement quel fut mon forfait. Ai-je dépassé le compte permis en profitant de l'inattention de Mlle Ernestine ? Ai-je seulement commis, tant j'étais pressé, un de ces rapides chasse-mouches qui m'attiraient toujours cette remarque indignée :

— Mais c'est un singe de croix que vous faites là, Brasse-Bouillon !

...Je ne sais, mais je fus pénétré de remords et de contrition parfaite. Et le soir, dans ma chambre (La Belle Angerie est si grande que nous en avions une pour chacun, dès l'âge le plus tendre... Ça fait bien. Et puis ça habitue les enfants à rester seuls dans le noir)... le soir, dans ma chambre, je résolus en parfait accord avec Baptiste (le bout de mon prénom, c'est-à-dire mon ange gardien, un peu valet comme il convient à l'ange gardien d'un Rezeau qui ne peut décemment pas porter seul les petits paquets de ses péchés)... le soir, dans ma chambre, je résolus de faire pénitence. La ficelle de la boîte de chocolats, qui portait l'inscription " A la Marquise ", cette ficelle plate, un peu coupante, m'inspira le petit supplice certainement agréable à Dieu. Je me l'attachai autour de la taille et je tordis le nœud, lentement, jusqu'à ce que cela me fît raisonnablement mal. Je serrais, comme pour la vipère, avec beaucoup de conviction au début, avec moins d'enthousiasme au bout de trois minutes, avec regret finalement. Je n'ai jamais été douillet : on ne m'a pas appris à l'être. Mais il y a des limites à l'endurance d'un enfant, et elles sont assez étroites quand on a seulement soixante-douze mois d'expérience du dolorisme expérimental. Je cessai de serrer sous le prétexte que la ficelle, surmenée, pourrait bien casser. Il ne fallait pas détruire mon sacrifice.

Et surtout il ne fallait pas en détruire la trace. Car, enfin, sans aucun doute, Mademoiselle viendrait le lendemain matin me réveiller, comme tous les jours, en disant, comme tous les samedis :

— Allons! dépêchez-vous, paresseux!... Remercions le bon Dieu qui nous donne encore cette journée pour le servir... C'est le jour de changer votre chemise, Brasse-Bouillon. Au nom du Père et du Fils... Tâchez de la garder propre. Quand on va aux waters, on s'essuie convenablement. Notre Père qui êtes aux cieux..., etc.

Glorieux samedi ! Elle verrait tout de suite la ficelle. Je m'endormis sans savoir que je venais de commettre, en toute naïveté, le péché d'orgueil sous sa forme la plus satanique : l'orgueil de l'esprit !

Mais, Mademoiselle, le lendemain matin, ne s'en douta point.

— Oh ! fit-elle, cet enfant est impossible.

Puis, se ravisant, avec une nuance de considération dans les yeux :

— Jean, Dieu ne permet pas que l'on joue avec sa santé. Je suis obligée d'en référer immédiatement à votre grand-mère.

J'écoutais ces paroles avec une grande satisfaction, mais je feignais, bien entendu, la pudeur et la désolation d'une âme violée. Cinq minutes plus tard, grand-mère, son châle à franges jeté sur sa robe de chambre, se penchait sur moi, m'accablant de reproches. Mais le ton n'y était pas. Le regard non plus, tout luisant de peureuse fierté. Et puis ce doigt, ce long doigt fin de romancière pour enfants de Marie (car elle écrivait un peu, elle aussi), comme il suivait complaisamment la ligne rouge, le stigmate éloquent qui me ceinturait encore !

— Il faut me promettre de ne pas faire de sacrifices sans me le dire. N'est-ce pas, mon petit Jean ?

On ne m'appelait point Brasse-Bouillon, ce matin-là ! Je promis. Grand-mère sortit, hochant la tête, sur le même rythme que Mademoiselle, toutes deux bien incapables de sévir contre un saint. J'eus l'oreille assez fine pour entendre cette recommandation, faite à mi-voix, derrière la porte :

— Surveillez ce petit, Mademoiselle. Il m'inquiète. Mais je dois avouer qu'il me donne aussi de bien grands espoirs.






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