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Bernard Clavel. Le tonnerie de Dieu

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Разработка посвящена творчеству Бернара Клавеля и его роману "Гром небесный".

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«Bernard Clavel. Le tonnerie de Dieu»

Bernard Clavel. Le tonnerie de Dieu



I. Lisez le texte sur la vie et l’oeuvre de Bernard Clavel et répondez aux questions :


1. Qui est Bernard Clavel?

2. Comment étaient son enfance et sa jeunesse ?

3. Quel métier voulait–il avoir ? Pourquoi c’était impossible?

4. Comment est son langage ?

5. Quels étaient ses regards politiques ?

6. Comment a-t-il commencé son activité littéraire ?

7. Quels ouvrages ont été écrits à Lyon ?

8. Quelle était son activité jusqu'à 1970 ?

9. Quelles pérégrinations a-t-il entreprises ?

10. Quelle période de la vie de Bernard Clavel était très intense ?

11. Qui était sa force d’écriture jusqu’à la fin de la vie ?


Bernard Clavel

Bernard Clavel naît le le 29 mai 1923 à Lons-le-Saunier (Jura). Il quitte l'école à quatorze ans et entre en apprentissage dans une pâtisserie de Dôle. A seize ans Bernard Clavel, passionné de dessin, prépare l’Ecole des Beaux-Arts. Ses projets sont interrrompus par la guerre ; pendant l’occupation, il exerce alors plusieurs métiers dans des usines, puis à la campagne pour échapper au S.T.O. (Service du travail obligatoire, institué par le gouvernement de Vichy durant la seconde Guerre mondiale, qui fournissait de la main-d'oeuvre aux usines allemandes). il rejoindra d’ailleurs le maquis jurassien et rencontre dans une des fermes où on l’emploie un ouvrier espagnol dont il fera le héros de son grand roman populaire : L’Espagnol.

 Bernard Clavel :

« Cent métiers, cent misères », dit la sagesse populaire ; je n’ai point fait mentir le proverbe. Simplement ai-je prolongé son effet en métamorphosant ce fagot de peines. »

          Après sa démobilisation (1945), il s’installe au bord du Rhône et essaie de vivre de sa peinture. Mais il doit y renoncer à la naissance de son deuxième enfant (il en a trois) pour des motifs purement pécuniaires. Il entre alors à la Sécurité Sociale comme employé aux écritures. Il y restera neuf ans.

 Bernard Clavel :

           « Je revois Vernaison, les rives encore sauvages, la véranda où j’écrivais. Je revois mes enfants tout petits, sans gâteries ni vacances de soleil, car nous étions pauvres. Je revois ma femme tapant le manuscrit sur une antique machine prêtée par le menuisier du village, mon ami Vachon, qui croyait en moi. »

 En effet, il a commencé à écrire. En 1956 paraît son premier roman : L’ouvrier de la nuit. Cependant ce n’est pas le premier qu’il propose à un éditeur. Le fleuve qu’il côtoie lui a d’abord inspiré Vorgine, un roman sur la malheureuse canalisation du Rhône.

 « Le Rhône ; voyez-vous, une teigne, on ne s’en débarrasse pas facilement quand il vous coule dans le sang.

 Mais ce roman est refusé.

 En 1958, son troisième roman paraît (il travaille désormais au « Progrès de Lyon » et à Radio-Lyon) : Qui m’emporte.

En 1959, L’Espagnol ; en 1960, Malataverne. En 1962 s’ouvre avec La maison des autres la suite romanesque de La grande Patience qui se termine six ans plus tard par un prix Goncourt avec Les fruits de l’hiver.

Deux de ses romans ont été portés à l’écran : Le tonnerre de dieu et Le voyage du Père.

L’Espagnol, réalisé pour la télévision par Jean Prat a été l’un des grands succès de la télévision française. C’est également la reconnaisce et la vraie célébrité qui commence pour clavel.

 Il quitte Lyon en 1964 et vient habiter en région parisienne et publie L’Hercule sur la place (1966), le tambour du bief (1970) et le Seigneur du fleuve (1970)

 Bernard Clavel a également travaillé dans l’adaptation pour la radio de quelques uns de ses romans. Il a par exemple fait joué un recueil de nouvelles L’espion aux yeux verts au printemps 1969.

 Nous suivons par la suite Bernard Clavel dans des pérégrinations странствование sans fin autour du monde. Il change en effet souvent de domicile. Après Chelles, il part pour la Tchécoslovaquie, le Bangladesh, le Québec, le Portugal, l’Irlande, la Suisse et enfin le Bordelais depuis 1989.

 Mais revenons sur les années 70, un tournant dans sa carrière, les pays du Nord, le Canada, les grands espaces, autant de lieux et émotions propre à inspirer cette grande saga du Royaume du Nord.

           « Le Québec m’habite terriblement. L’hiver, les routes ont bloquées par la neige, et je me souviens avoir été isolé des jours durant près du Saint-Laurent, dans une maison au cœur d’une tempête : je n’ai jamais connu de période plus intense. »

« J’y ai accumulé des notes pour quinze ans ! »

            C’est durant cette période qu’il rencontre Josette Pratte sa deuxième femme, québécoise. Elle offrira à son œuvre un second souffle et sera davantage que sa première lectrice, sa correctrice et sa force d’écriture.

 Il mourra à 87 ans, en octobre 2010.


II. Lisez le fragment du roman Le tonnerie de Dieu et répondez aux questions :


1. Où et quand se déroule l’action de ces chapitres ?

2. Quels sont les problèmes qui y sont soulevés ?

3. Quels personnages nous fait connaître le premier alinéa ?

4. Où se sont-ils arrêtés ? Pourquoi ici ? Quel temps faisait-il ?

5. Qu’est-ce que nous apprenons des anciens habitants de la vallée?

6. Qu’est-ce qui se passait autrefois dans la vallée tous les dimanches ?

Pourquoi passait-on le temps de telle manière?

7. De qui se souvient Léandre après le long silence ?

8. Est-ce que Léandre est-il content de sa vie ?

9. Comment la nuit tombante transformait-elle tout autour de la naratrice (Simone)?

Que pensait-elle de Marie ?

10. Qu’est-ce qui s’est passé dans la cour?

11. Quelle était l’atmosphère du dîner?

12. Quels sentiments éprouvait Simone?

13. De quoi Léandre était-il tellement soucieux ?

14. Qui est venu? A quoi bon? Qu’est-ce qu’on a appris de lui ?

15. Quel thème de conversation était commun pour tous sauf Marie ?

16. Que Roger a-t-il proposé à Simone ?

17. Quels souvenirs empêchaient à Simone de s'endormir ?

18. Comment passait-t-elle le temps dans la vallée ?

19. Quel conseil voulait-elle demander à Léandre ?

21. Donnez les caractéristiques des personnages de ces chapitrese.

22. Quels détails ou faits ont une grande valeur dans la narration ?

Bernard Clavel

Le tonnerie de Dieu

13

J’y ai pensé encore tout le long du chemin en regardant le dos de Léandre qui marchait devant moi, sa hache sur l’épaule. De temps à autre il s’arrêtait, se retournait pour voir si je suivais bien et il me souriait. Et j’avais beau me souvenir de la scène de la nuit, de son visage répugnant d’ivrogne, à plusieurs reprises je me suis dit que si j’avais eu un père, j’aurais bien aimé qu’il soit comme Léandre. Mais ma grand-mère ne m’avait jamais parlé ni de mon père ni de ma mère. Moi-même, je n’avais jamais pensé à eux et je me demande encore pourquoi j’ai eu soudain cette idée en voyant devant moi ce dos large et un peu voûté.

Quand nous sommes sortis du bois, Léandre s’est arrêté à l’endroit même où il m’avait amenée le premier jour. Nous étions un peu essoufflés tous les deux et nous nous sommes assis au pied du talus pour être, abrités du vent. Il n’était pas tard, mais, avec le ciel couvert, tout le val était déjà triste comme il l’est à la tombée de nuit. Les chiens rôdaient autour de nous. La petite noire venait plus souvent que les autres flairer Léandre et se faire caresser. Au bout d’un moment, elle s’est couchée entre ses jambes et n’a plus bougé. Léandre lui a pris la tête entre ses mains en me disant :

— Vous voyez, elle me connaît déjà bien.

Il a paru réfléchir un temps puis il a ajouté :

— C’est drôle, chaque fois que j’ai recueilli un chien, je n’ai jamais été déçu.

Là encore j’ai revu le jour de notre rencontre. Et, parce que je voulais occuper ma pensée à autre chose, j’ai rappelé à Léandre qu’il m’avait promis de me raconter l’histoire de cette vallée. Il m’a regardée un instant avant de me dire :

— Vous savez, c’est pas une histoire bien gaie.

J’ai répondu que ça n’avait pas d’importance et il s’est mis à parler.

Lorsque lui, Léandre, était arrivé ici – au moment de son mariage avec Marie – il restait encore une grosse famille dans la ferme maintenant abandonnée et que l’on aperçoit entre les arbres. Dans l’autre maison, en plus de Roger alors tout jeune, il y avait son père et sa mère et quatre autres enfants. Cela faisait du monde dans le val, mais ces gens ne se rencontraient que dans les prés ou ne venaient l’un chez l’autre que pour demander un service.

C’était Léandre qui avait eu l’idée de ce jeu de boules.

Et maintenant, il me racontait tout ça simplement, sans faire de grands gestes et sans prendre sa voix de théâtre. De temps à autre, il s’interrompait, regardait longuement la colline au jeu de boules, puis il reprenait :

— Au début, ils ont rigolé quand je leur en ai parlé. Mais, comme c’était l’hiver et que le travail n’abondait pas, on l’a fait tout de même. Alors, déjà rien que de le faire je crois qu’ils y ont trouvé du plaisir. On s’y était tous mis, les femmes et les gosses aussi. Et c’était la rigolade à longueur de journée. Tant que le soir on avait peine à se quitter.

Plus Léandre racontait, plus le ton de sa voix baissait. À la fin, j’avais l’impression qu’il m’avait oubliée et parlait pour lui seul.

— Tous les dimanches, on y allait. Pour nous arrêter fallait vraiment que le temps soit mauvais. Chacun apportait quelque chose, et on mettait tout en commun pour faire un gros repas. Nous on jouait aux boules, les femmes tricotaient en faisant la parlote et les gosses s’amusaient.

Là, j’ai cru qu’il avait terminé parce qu’il est resté un bon moment sans rien dire. Toujours avec le regard qui allait de la colline à la maison de Roger et à la ferme abandonnée. Cependant, après ce long silence, il 

a soupiré avant de dire en se tournant vers moi :

— C’était rien, tu comprends, ça changeait pas grand-chose si tu veux, mais c’était la vie. Et puis, les vieux qui étaient là, c’était des hommes. Nous, avec la Marie, on n’a pas assez de terre en culture pour avoir un cheval, c’est pourquoi je laboure avec la vache. Mais c’est pas facile. Et ça vaut rien pour la bête. À ce moment-là, c’était le père de Roger qui venait avec sa jument. Moi, je lui rendais son temps quand il abattait son bois.

J’ai demandé alors pourquoi Roger n’avait pas continué. Léandre a haussé les épaules en disant :

— On ne peut pas lui en vouloir. C’est lui qui a tenu le plus longtemps, après la mort des vieux. Seulement, une fois seul, faut reconnaître que ça ne devait pas être bien drôle. Alors, un jour il a fait comme les autres, il a trouvé du travail à l’usine. Pourtant, il est le seul à revenir, les autres on ne les a jamais revus.

Léandre a soupiré encore. Bob était venu se coucher entre nous deux et il avait posé sa tête sur mes jambes. Léandre l’a caressé un moment avant d’ajouter :

— Qu’est-ce que tu veux, faut vraiment être dégoûté du monde pour vivre là comme je le fais… Ou alors, faut être comme Marie, être né là et n’avoir jamais pensé à la possibilité d’une autre vie.

Il faisait de plus en plus sombre et je commençais à sentir le froid de la terre traverser mon manteau. Je me suis levée. Nous avons repris le sentier entre les arbres qui avaient déjà leurs formes de nuit.

Léandre ne parlait plus. Il allait de son grand pas qui balançait contre son dos la petite marmite de fonte.

Moi, je le suivais sans cesser de penser à cette petite vallée. Au temps du jeu de boules et des gens qui riaient.

Je ne sais pas si cela venait de ce que la nuit tombante transformait tout autour de moi, mais il me semblait que ces personnages étaient à moi. C’était étrange comme impression : ils étaient là, et j’avais le pouvoir de leur faire faire ce que je voulais.

J’étais à peu près dans le même état que lorsqu’on vient de se réveiller et qu’on voudrait continuer un rêve.

Il y avait aussi, qui bourdonnaient sans cesse à mes oreilles, ces mots de Brassac : « Une autre vie. » Et, à ce moment-là, j’ai eu cette vision curieuse de la vallée fermée qui contenait une vie. Tout autour, c’était « une autre vie ».

C’est alors que nous sommes sortis de la dernière châtaigneraie. J’ai aperçu, tout au bout du sentier, la lumière de l’écurie où Marie devait traire. J’ai pensé à elle. C’était en parlant d’elle que Léandre avait dit : « Une autre vie. »

Bien sûr, Marie n’avait certainement jamais pensé à vivre ailleurs. Alors je me suis dit que si les circonstances l’avaient voulu, Marie, faible de caractère comme elle est, aurait très bien pu être putain.

Tout de suite, je m’en suis voulu parce que j’aime bien Marie, mais, pourtant, je crois que j’ai raison.

Nous avons marché jusque dans la cour. Là, Léandre a paru hésiter. Peut-être avait-il envie d’aller à l’écurie où Marie se trouvait, peut-être voulait-il aller à la cuisine pour retarder l’instant de la voir ? Je ne sais pas. Et je ne sais pas non plus ce qui s’est passé en moi d’un seul coup. J’ai pris le bras de Léandre, je me suis plantée devant lui et je lui ai dit :

— Léandre, faut me promettre de ne plus vous saouler.

Il s’est penché pour mieux me voir dans la nuit qui s’épaississait. Une minute le vent a soufflé très fort en tournant dans la cour.

— Oui, faudrait.

Léandre a dit ces deux mots à voix presque basse. Puis, se retournant, il a marché très vite vers l’écurie.

14

Je pensais que Léandre voulait parler à Marie et je ne l’ai pas suivi.

Quand ils sont venus me rejoindre à la cuisine, j’avais mis le couvert et nous avons tout de suite commencé de manger. Ils ne parlaient pas. Je n’ai rien osé dire.

Le vent avait redoublé de violence et la lumière s’est éteinte à plusieurs reprises. Chaque fois Léandre éclairait son briquet, mais, avant qu’il ait achevé d’allumer la bougie que Marie avait posée devant lui, la 

lumière revenait. C’est ce qui a fini par nous faire rire. Pourtant, vers la fin du repas, la lumière s’est éteinte pour de bon. Marie avait justement fait griller des châtaignes, et c’est à la lumière de la bougie que nous les avons mangées.

Des ombres énormes dansaient au plafond et contre les murs. Chaque fois que Marie découvrait le foyer pour y mettre une bûche, la pièce s’éclairait de rouge, les ombres changeaient de place, se multipliaient, dansaient de plus belle tandis que des étincelles giclaient en pétillant. Le feu ronflait très fort et la flamme faisait le gros dos.

J’étais heureuse. Je regardais sans cesse dans les coins d’ombre. Je savais pourtant bien que je n’y trouverais rien d’autre qu’un bout de museau à peine éclairé ou l’angle d’un meuble que je connaissais bien, mais je regardais quand même.

Je n’osais pas dire que j’étais heureuse. D’abord, j’aurais eu peur de ne pas savoir expliquer pourquoi. Et puis, il me semblait qu’il y avait encore quelque chose entre Léandre et Marie. Quelque chose qui paraissait s’être aggravé depuis que la lumière avait disparu.

Pendant longtemps je n’ai rien dit. Pourtant, Léandre semblait tellement soucieux que j’ai fini par lui demander ce qu’il avait. Il m’a expliqué que le vent avait très bien pu démolir la ligne électrique à l’intérieur de sa propriété. Cela s’était déjà produit à plusieurs reprises, et chaque fois la réparation avait coûté très cher. En outre, lors du dernier accident de ce genre, les hommes de la Compagnie avaient dit que la ligne était trop vieille et ne supporterait certainement plus beaucoup de réparations. Alors Marie a soupiré en disant :

— Si on est obligé de la refaire, avec l’année qu’on a eue, je me demande où on prendra les sous.

Elle a marqué un temps avant de dire encore à voix très basse :

— C’est qu’il faut vivre… Ça coûte.

J’ai bien vu que Léandre me regardait, puis qu’il regardait Marie, mais elle n’a pas levé les yeux.

Tout ce qu’il y avait de joie en moi s’était arrêté de remuer. Les ombres sur le mur dansaient moins que tout à l’heure.

J’allais dire que j’étais fatiguée et monter dans ma chambre quand les chiens ont couru vers la porte. Seule la petite noire a jappé deux fois. Léandre les a regardés, puis aussitôt il s’est levé en disant :

— Ça ne peut être que Roger.

En effet, nous avons bientôt entendu la moto qui est venue s’arrêter devant la porte. Léandre est sorti en ouvrant à peine pour éviter que les chiens le suivent. Moi je pensais toujours à la phrase de Marie : « C’est qu’il faut vivre… Ça coûte. » J’avais envie de lui dire bonsoir et de monter avant le retour de Léandre. Mais j’ai hésité trop longtemps et les deux hommes sont entrés.

Aussitôt, tous les chiens se sont précipités sur Roger et lui ont fait une fête incroyable. Il portait un grand sac à pommes de terre qu’il a posé sur une chaise. Léandre a crié un coup, tous les chiens ont fait le cercle en attendant leur os. Une fois la distribution terminée, Léandre a emporté le sac au fruitier.

Marie a fait asseoir Roger après me l’avoir présenté. Je le voyais mal à cause de la bougie qui était entre nous deux. Quand Léandre est revenu, il a tout de suite demandé à Roger s’il y avait du courant à Loire. Roger a répondu que oui et Marie s’est mise à se lamenter en disant qu’il n’y avait plus de doute, que la ligne était certainement cassée dans la partie leur appartenant. Léandre l’a laissé dire un moment puis il l’a interrompue :

— Tais-toi, ça ne sert à rien de pleurer.

— Tu peux bien dire, mais où est-ce qu’on prendra les sous ?

Roger est intervenu.

— Je comprends pas que vous vous fassiez tant de soucis maintenant. Ça peut bien être le long de la route. Rien ne prouve que ce soit dans la partie qui est à vous.

Sa voix était douce et il parlait posément.

Ils ont discuté encore un moment de la ligne électrique, puis Léandre a demandé à Roger quelle idée il avait eue de venir à une heure pareille et avec ce temps-là. Roger a expliqué que le lendemain il avait l’intention de démonter entièrement sa moto pour la nettoyer et qu’il lui fallait bien sa journée.

Il restait des châtaignes grillées, Marie a remis une bûche dans le feu et apporté sur la table un litre de vin. Nous avons mangé et bu, mais personne ne parlait. Dehors, le vent menait toujours la sarabande, mais dans la pièce, il y avait un autre bruit qui meublait. C’était le bruit que faisaient les chiens en rongeant leur os. De temps à autre l’un d’eux grognait, mais ça n’allait jamais jusqu’à la bagarre. Bob s’était mis sous la table, contre mes jambes. À un certain moment j’ai dû le repousser parce qu’il me bavait sur les pieds. Il s’est retourné et j’ai vu que Roger, en face de moi, se penchait pour regarder. Il a dit en riant :

— T’en tiens de la place toi, le gros.

Et il a déplacé sa chaise vers la gauche. Ainsi, je le voyais mieux et j’ai remarqué tout de suite qu’il avait des yeux très noirs et les cheveux noirs très courts mais frisés.

Nous avons parlé des chiens. À part Marie qui ne disait pas un mot, j’ai bien senti que cette conversation était un soulagement pour chacun. Voyant que Roger parlait des bêtes avec beaucoup d’amitié, je lui ai demandé pourquoi il n’avait pas de chien. Mais ça lui est impossible. À Givors, il n’a qu’une petite chambre garnie et, ici, il ne vient qu’une fois par semaine. Là, Léandre s’est mis à rire en disant :

— Il n’a pas de chiens mais les miens sont autant à lui qu’à moi puisqu’il les nourrit. D’ailleurs, quand il est chez lui, si j’ai quelque chose à lui dire je fais un mot, je l’attache au collier du vieux Dik ou de Bob et je dis : « Va chez Roger. » Et vous pouvez être tranquille, dix minutes après, la commission est faite.

Nous avons bavardé encore un moment, et puis Roger a dit qu’il allait partir. Il a serré la main à Marie puis à moi. Il a hésité un peu avant de me dire :

— Un dimanche, faudra venir voir ma maison. C’est pas que ce soit bien joli, mais la vue sur le vallon n’est pas la même qu’ici.

Léandre est sorti pour l’accompagner et enfermer les chiens. La moto a pétaradé mais le vent a bientôt emporté le bruit du moteur.

J’ai attendu le retour de Léandre et je suis montée dans ma chambre.

Je ne me suis pas déshabillée tout de suite. Je suis restée plusieurs minutes à écouter le vent. Depuis mon arrivée ici, c’est la première fois qu’il souffle si fort. Toute la maison tremble. Au grenier, c’est comme si on piétinait.

J’ai fait le tour de ma chambre. J’avais posé sur la cheminée la bougie que Marie m’avait donnée. Machinalement j’ai caressé les meubles, le marbre de la cheminée. Et, petit à petit, j’ai senti en moi comme une boule qui durcissait.

Je me suis couchée parce que j’avais froid.

Maintenant je n’ai plus froid sous l’édredon de plume et dans le matelas très doux où mon corps a creusé sa place. Je ne suis pourtant pas à mon aise. Les autres soirs, avant de m’endormir, je reste longtemps à écouter la nuit sans penser à rien.

Ce soir, je ne peux pas. Il y a les paroles de Marie : « Il faut vivre… Ça coûte. » Et, peu à peu, je sens que ces quelques mots font bien plus de bruit que la tempête.

Il a suffi de ces quelques mots pour que tout m’effraie. Il y a en moi une foule d’images qui se bousculent. Depuis mon départ de chez grand-mère jusqu’à mon arrivée ici. Toute cette partie de ma vie que je croyais avoir quittée définitivement. Ce qui est, pour moi, cette autre vie dont Léandre parlait cet après-midi.

Le départ de chez grand-mère qui pleurait parce qu’elle ne pouvait plus me nourrir. Tout de suite après, les patrons. La première vendeuse toujours bien habillée. Cette première vendeuse qui m’a éblouie. J’avais quinze ans, j’étais arrivée à Lyon avec ma robe de petite paysanne. Cette fille m’offrait de me présenter à un ami qui m’aiderait. L’ami, ce vieux qui m’a donné un peu d’argent. Cet argent dont on ne m’a pas laissé le temps de profiter. La maison de redressement. Cinquante-quatre mois à compter les jours. Cinquante-quatre mois à vivre uniquement avec de vraies putains, toutes mineures comme moi, mais qui m’ont appris ce qu’est le métier.

Et puis, ma majorité, ma libération avec Marcel qui m’attendait. 

Marcel que je ne connaissais pas mais qu’une camarade avait avisé de ma sortie pour qu’il « se charge de moi ». Ensuite, la vie la mieux réglée, la plus monotone qui soit. Subir un homme après l’autre.

Bien sûr, je comprends Marie. Je comprends ; il faudra que je prenne une décision.

Autour de la maison, il y a la tempête. On dirait que c’est le val tout entier qui se démène. Le val tout entier. Ce val où, tantôt, je voyais une vie.

Je sais bien qu’ici il n’y a rien. Et pourtant, maintenant que j’y réfléchis je m’aperçois que je ne me suis jamais ennuyée. Quand il m’arrive de rester seule avec Marie pendant tout un jour alors que Léandre est aux champs, si je trouve le temps long, je n’ai qu’à sortir, faire trois pas dehors pour trouver du nouveau. Souvent, je vais jusqu’au bout de la cour, je m’assieds durant des heures sur le banc de pierre devant l’écurie et je regarde la mare avec le peuplier debout sur son reflet.

Il va peut-être falloir que je retourne à Lyon. Encore une fois je sens très bien que je devrais prendre une décision, mais je crois que le mieux sera de demander conseil à Léandre.






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